Cheminots d’Auray

 

Il y a 70 ans, la répression nazie frappait les cheminots d’Auray :


Deux cheminots du dépôt d’Auray
, Jean MARCA, né le 31 Juillet 1920, Henri CONAN, né le ler Janvier 1912, étaient arrêtés par la police française, le premier, le 18 janvier 1942, sur sa machine à Quimper, le second, dans le train de Lorient, le 28 janvier 1942 . Ils étaient tous les deux syndicalistes et militant ou sympathisant du parti Communiste. Accusés de détenir ou de diffuser des tracts, ils étaient condamnés à trois ans et demi de travaux forcés, et fusillés comme otages le 30 avril 1942 au Polygone de Vannes.


Leur arrestation faisait suite à une dénonciation . Quelques dates “repère”:

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le 31.08.1937: création par décret -loi de la Société Nationale des Chemins de Fer

- le 30.10.1938: les députés du Parti Communiste Français refusaient de voter les accords de Munich qui entérinaient le premier dépècement de la Tchécoslovaquie par le Reich;

- 15.03.1939: La Wehrmacht entrait à Prague

- 30.04.1939: L’URSS proposait à la France et à la Grande Bretagne une alliance militaire;

- le 23.08.1939: signature du pacte de non agression entre Staline et Hitler;

- le 01.09.1939:La Wehrmacht pénétrait en Pologne

- le 03.09.1939: Déclaration de guerre à l’Allemagne par la Grande Bretagne et la France;

- le 17.09.1939:L’Armée Rouge envahissait à son tour la Pologne

- le 28.09.1939: Signature du pacte d’amitié et de délimitation des frontières entre l’Allemagne nazie et l’URSS;

- le 26.09.1939: Interdiction du Parti Communiste français; arrestation de 35 députés communistes : ils étaient jugés à Paris et condamnés en avril 1940 à 5 ans de prison pour avoir “propagé les mots d’ordre de l’Internationale Communiste”;

- décret Sérol d’avril 1940 , confirmant l’interdiction du Parti Communiste et donnant la possibilité au Ministère Public de requérir la peine de mort pour les prévenus coupables d’“ avoir participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation”

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le 14.06.1940:La Wehrmacht entrait à Paris, déclarée ville ouverte;

- le 22.06.1940: Signature à Rethondes de la Convention d’armistice franco-allemande.

- le 10.07.1940: l’Assemblée Nationale accordait les pleins pouvoirs constituants à PETAIN ( 80 contre, 17 abstentions , pour les quatre sénateurs du Morbihan: Brard, de Camas, Maulion et Rio et les six députés du Morbihan présents: Cadic, le chanoine Desgranges, Gillet, L'Hévéder, Pezet et Tristan) ; Selon Barthélemy, garde des Sceaux, à Royat le 3 juillet 1941 « L'Etat français de demain ne sera pas totalitaire mais autoritaire, hiérarchique et social » et Pétain lui faisant écho dans son discours du 8 juillet devant la commission du Conseil national qui devait élaborer une nouvelle constitution « L'Etat issu de la Révolution Nationale devra être autoritaire et hiérarchique ».

- le 23 juillet 1940:
Loi prononçant la déchéance de la nationalité française à l'encontre de ceux qui ont quitté le territoire métropolitain « sans ordre de mission ni motif légitime, entre le 10 mai et le 30 juin1940 » et ordonnant la confiscation de leurs biens;

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le 13.08.1940: loi portant interdiction des sociétés secrètes et décret du Maréchal, paru au Journal Officiel du 20 août, déclarant nuls la Grande Loge de France et le Grand Orient de France

- le 22.06.1941 : Début de l’opération Barbarossa: la Wehrmacht envahissait L’URSS

- les 22 et 23 octobre 1941: Exécution de 98 otages, pour la plupart, communistes, dont 27 fusillés à Chateaubriand.

Ce que nous savons du parcours de militant et de résistant de Henri Conan et Jean Marca:

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Fils d’ Armand Conan, cheminot mécanicien, et Maggiorina Masotti, d'origine italienne qui fut buraliste à Lorient de 1930 à 1942, Henri Conan, après avoir été élève de l'école d'ajustage d'Auray, avait obtenu son diplôme de mécanicien. Il travailla jusqu’ à son service militaire, comme aide ouvrier monteur au dépôt d’Auray, alors propriété d’une société privée P.O.

Mais, au retour du service militaire, Henri Conan ne fut pas repris par P.O, sans doute en raison des ses opinions, puisqu’il était militant syndicaliste de la C.G.T et membre du parti communiste. Il travailla alors au chantier de la Seyne (Var) avant d'être repris comme aide ouvrier aux chemins de fer, à Auray, à l'époque du Front populaire. Mobilisé entre le 28 avril 1939 et le 18 juillet 1940 à Toulon, il reprenait, après cette date, son poste d’aide ouvrier au dépôt d’Auray.

Jean Marca, après ses 3 années d'apprentissage de 1934 à 1936, fut nommé mineur ouvrier au dépôt d'Auray. Puis, il était “promu” élève mécanicien, et espérait devenir conducteur de locomotives
Nous ignorons quand et dans quelles circonstances Henri Conan et Jean Marca ont pu reprendre contact avec leurs camarades du parti communiste passés dans la clandestinité..

Rappelons qu’après la signature du pacte d’amitié entre L’URSS et l’Allemagne, le 28 septembre 1939, et jusqu’à l’invasion de l’URSS en juin 1941, la direction du Parti Communiste Français, pour se conformer aux instructions données par le Komintern, diffusait des mots d'ordre de fraternisation avec les soldats allemands, rejetait la continuation de la guerre sur les bourgeoisies françaises et anglaises et invitait les Français à ne pas se faire les complices du capitalisme, qu'il fût allemand ou anglo-saxon.

Cette direction n’hésitait pas, durant l’été 1940, à prendre contact avec les autorités allemandes, plus particulièrement avec Otto Abetz, engageant des tractations pour faire reparaître son journal l’Humanité, ce qui lui permettait, d’ailleurs, d’obtenir la libération de plus de 300 membres du Parti Communiste emprisonnés sous la III République finissante.

En effet, de septembre 1939 à juin 1940, une répression brutale s’était abattue sur le Parti Communiste puisque plus de 6.000 communistes français ou étrangers avaient été arrêtés;

Répression que poursuivait le régime de Vichy, sous forme notamment d’internement administratif, puisque de juillet 1940 à juin 1941, au moins 4.000 communistes ou présumés tels, étaient arrêtés, dont notamment, le 13 mars 1941, Gabriel Péri, député, qui serait fusillé comme otage, au Mont Valérien, le 15 décembre 1941.

Autant dire que, pour les militants de ce parti, la tâche initiale avait tout d’abord été de reconstituer leur organisation.

En Bretagne, cette tâche était suivie dès septembre 1940, par Venise Gosnat, demeurant à Nantes, responsable interrégional politique pour la Bretagne, Alain Le Lay, ancien secrétaire de la mairie de Concarneau, étant désigné comme secrétaire régional pour le Nord-Finistère et le Morbihan. Ce dernier avait été chargé de retrouver la liaison avec des militants partout où le parti était organisé avant la guerre, c'est-à-dire à Lorient, Vannes, Pontivy, Auray, Lanester, Hennebont, Ploérmel, Lambel-Camors, Quiberon. Souvent, à cette fin, Alain le Lay était accueilli au domicile de Guillaume Péron, cheminot à Auray, qui, selon Armand Conan, était très proche de son frère Henri.
2
Selon le témoignage de Roger Chaigneau, recueilli par Armand Conan, en septembre 1940, Alain Le Lay, chargé d’organiser le regroupement des anciens militants du Parti Communiste, avait demandé à Louis Barré, cheminot, qui faisait, tantôt la ligne Quimper - Brest, tantôt celle Quimper -Auray, de prendre contact avec Henri Conan. Une réunion avec Marcel Paul, installé à l’époque à Nantes, où il avait créé une imprimerie clandestine de tracts, aurait été organisée fin août, début septembre 1940 avec des cheminots d’Auray.

Dès 1941 en tout cas, Henri Conan et Jean Marca, entrés dans le groupe d’action du dépôt de la SNCF d’Auray, et étant également en relation avec Joseph Rollo, engagé dans le réseau lié “ Libération Nord ”, auraient participé à la diffusion de tracts, et à des actions de sabotage des installations ferroviaires dans le secteur Lorient-Auray,notamment en changeant les étiquettes des wagons, pour désorganiser les transports, tout particulièrement la ligne Auray-Quiberon ( le train dit “ des sables”).

Après l’invasion de l’URSS, Hitler engageait une guerre d’anéantissement pour l'extension de l’ espace vital du peuple germanique et contre ce que l’idéologie nazie définissait comme l’ennemi racial de ce peuple: le “judéo-bolchevisme”.

Pour prévenir toutes tentatives de résistance des communistes dans les pays occupés, dont la Wehrmacht avait jusque-là pu s'assurer la maîtrise, Hitler faisait procéder à un grand nombre d'arrestations. En France, plus d'un millier de communistes étaient internés à partir du 27 juin 1941, au camp de Compiègne, dirigé par la Wehrmacht. Et le Commandant Militaire en France, Otto Von Stülpnagel, menaçait de punir avec une sévérité exemplaire toute manifestation d'hostilité à l'encontre de la puissance occupante.

Par son ordonnance du 19 août 1941, le Commandant des forces militaires allemandes en France décidait que tout ce qui concernait l'activité communiste devait être présenté d'urgence au tribunal militaire allemand et le garde des Sceaux de l’Etat français, Barthélemy faisait publier au Journal officiel du 23 août 1941, une loi interdisant “l'activité”communiste ou anarchiste, suivie le 25 août de la circulaire d'application.

Espérant une victoire rapide de l’Union soviétique, le Parti Communiste Français suivait les directives du Komintern et appelait à l’action directe armée contre l’occupant .

Le coup de feu tiré au métro Barbés, le 21 août 1941, par Pierre Georges sur un aspirant de marine allemand, était le prélude à une série d’attentats contre des membres et des installations de la Wehrmacht.

L’administration militaire allemande, qui avait alors pleine autorité en matière de sécurité dans la zone occupée, annonçait que les prisonniers détenus pour le compte des Allemands auraient désormais le statut d’otages. Hitler exigeait que pour tout soldat allemand tué, 50 à 100 otages communistes fussent exécutés.

Ainsi la mort de deux officiers allemands à Nantes et à Bordeaux entraînait, en représailles, les exécutions des 98 otages à Chateaubriand.


 

3

AVIS du Commandant Militaire
en France du 22 août 1941


Le 21 août au matin, un membre de l’Armée Allemande a été victime d’un assassinat à Paris.

En conséquence j’ordonne :

1.A partir du 23 août, tous les Français mis en état d’arrestation quel que ce soit le motif par les autorités allemandes en France, ou qui sont arrêtés par celles-ci, sont considérés comme otages.

2. En cas d’un nouvel acte, un nombre d’otages correspondant à la gravité de l’acte criminel commis sera fusillé.


 

AVIS du Commandant Militaire en France
du 14 décembre 1941


Ces dernières semaines, des attentats à la dynamite et au revolver ont de nouveau été commis contre des membres de l’armée allemande.

Ces attentats ont pour auteurs des éléments, parfois même jeunes, à la solde des Anglo- Saxons, des juifs et des bolcheviks et agissant selon les mots d’ordre infâmes de ceux-ci.

Des soldats allemands ont été assassinés dans le dos et blessés. En aucun cas, les assassins n’ont été arrêtés.

Pour frapper les véritables auteurs de ces lâches attentats, j’ai ordonné l’exécution immédiate des mesures suivantes:

1° Une amende d’un milliard de francs est imposée aux juifs des territoires occupés;

2° Un grand nombre d’éléments criminels judéo-bolchevick seront déportés aux travaux forcés à l’Est.

Outre les mesures qui me paraîtraient nécessaires selon les cas, d’autres déportations seront envisagées sur une grande échelle si de nouveaux attentats venaient à être commis;

3°Cent juifs, communistes et anarchistes qui ont des rapports certains avec les auteurs des attentats seront fusillés.

Ces mesures ne frappent point le peuple de France, mais uniquement des individus qui, à la solde des ennemis de l’Allemagne, veulent précipiter la France dans le malheur et qui ont pour but de saboter la réconciliation entre l’Allemagne et la France.


 


La Direction de la SNCF appliquait les consignes gouvernementales, qui, elles-mêmes, calquaient les ordres nazis.

Ainsi, une note du 10.07.1941 de la Direction Générale aux Directeurs de l’Exploitation des Régions stipulait notamment que "Toute manifestation de caractère communiste, qu'elle soit collective ou individuelle et quelle que soit son importance, doit, en particulier, être immédiatement signalée".


Tout chef d'établissement qui viendrait à apprendre que des gens placés sous sa direction ont participé, en dehors du service, à de telles manifestations doit également le signaler.


Tout chef d'établissement qui découvre des tracts ou des affiches communistes doit s’efforcer de trouver les auteurs de leur distribution et si possible de leur rédaction .........une liaison constante [avec les services de police] devra être maintenue dans le but [ d’élucider le rôle des agents suspects]

Dès le 26.08.1941 le Directeur Général de la SNCF donnait aux autorités allemandes un premier bilan de “l’élimination en zone occupée de tous les agents exerçant une mauvaise influence sur leurs camarades “ indiquant, notamment, que 60 cheminots avaient été arrêtés en zone occupée, que 230 communistes avaient été envoyés dans des camps, que 320 agents ne faisant pas de propagande ouverte avaient été révoqués et signalés à la Police.

4Le 29 août 1941 des tracts portant notamment les inscriptions suivantes “ Vive Staline, Vive l’Armée Rouge”, “ Vive la France Libre et Indépendante”, étaient découverts sur la chaussée de le rue principale d’Auray.

Dès, le 2 septembre 1941, agissant en exécution d’un mandat de perquisition du Préfet du Morbihan en date du 29 août 1941, un Inspecteur Principal de la Police Spéciale de Lorient effectuait une perquisition au domicile de la mère d’Henri Conan à Lorient chez laquelle celui-ci se trouvait en vacances, mais n’y trouvait aucun document suspect.

Selon son frère Armand, dès l’interdiction du Parti Communiste en 1939, Henri Conan avait prévenu les membres de sa famille de faire disparaître tous les livres et documents émanant du parti.

D’autres anciens membres du Parti Communiste subissaient des perquisitions analogues dont Joseph LE FLOCH, trouvé en possession d’un portrait de De Gaulle, Roger BONNEC et Jean-Marie PASCO.

Les anciens militants connus du Parti Communiste d'Auray, tous employés à la S.N.C.F, étaient donc particulièrement surveillés.

Or, en janvier 1942, la femme d'un cheminot qui fréquentait un allemand, dénonçait son propre mari, qui possédait, au dépôt, dans son placard individuel, un revolver lui venant de son père.

La Gestapo perquisitionnait le dépôt . Elle découvrait le revolver, prétexte pour fouiller dans les autres placards. Ainsi un paquet de tracts était-il découvert dans celui de Jean Marca dont l’arrestation, le 18 janvier 1942, était suivie 10 jours plus tard par celle de son camarade Henri Conan.

Quelques semaines après leur condamnation, des cheminots du Calvados provoquaient un important déraillement près de Vire : en représailles, les nazis décidaient de faire fusiller les deux résistants d’Auray.

Voici la lettre d’adieu qu’Henri Conan écrivait à sa mère , son frère ... le 30 avril 1942, quelques heures avant son exécution au Polygone ( voir aussi la lettre à son épouse Anna et sa fille Jacqueline dans l’ouvrage autobiographique d’Armand Conan) :

Très chers tous, ( Armand, maman, Madeleine et tous ceux que j’aimais, tous, parents et amis)
Je vais mourir, certes, mais sachez que je serai brave. Certes, un léger tremblement agite ma main en vous écrivant, mais même ce léger tremblement sera dominé tout à l’heure.

A vous Armand et Madeleine revient de droit la tutelle de Jacqueline...Je vous confie ..l’éducation morale de Jacqueline. Je pense qu’avec vous et surtout avec toi, mon cher Armand, tu lui feras oublier qu’elle n’a plus de papa.

A toi, ma chère maman, je te fais une peine de plus. Toi surtout qui ne m’as jamais compris, sache que je meurs pour une cause qui m’est chère entre toutes.

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J’en suis seul responsable, n’accuse pas de tierces personnes. Je t’ai fait de la peine, je t’en demande pardon.

Je vais terminer en disant que tout ce que je possède ( pas grand chose malheureusement) doit aller à ma femme adorée et à ma petite Jacqueline chérie.

Je vous embrasse tous de tout mon coeur.

Je n’oublie pas Monsieur et Madame Raude et Georges à qui je souhaite un brillant succès pour son examen. Embrassez bien aussi tous mes amis d’Auray et d’ailleurs ainsi que leur famille.

Je vous quitte définitivement en vous assurant que je vous ai toujours aimé.

Votre cher Henri

article écrit à partir des renseignements contenus dans les ouvrages suivants : 1938 - 1948 : Les années de Tourmente , de Munich à Prague Dictionnaire Critique Jean-Pierre Azéma, François Bédarida ( Flammarion 1995) Les avatars du communisme français de 1939 à 1941 Denis Peschanski dans “ La France des Années Noires” dans l’ouvrage de Roger Le Roux “ Le Morbihan en guerre “ dans l’autobiographie d’Armand Conan , “ 70 ans de bonheur” Témoignage( 2010, pages 42 à 71)

Joseph ROLLO et le réseau LIBÉRATION NORD

 

Quand la guerre éclata, Joseph ROLLO, né le 11 janvier 1891 à Vannes, était directeur de l'école du quartier de la Gare à AURAY.

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Il était connu comme militant syndicaliste et membre de la S.F.I.O. Il était devenu en 1924 secrétaire du Burau National du Syndicat Unitaire de l'enseignement puis s'était voué à la réalisation de l'unité syndicale. Après la fusion des deux grandes centrales syndicales, il était entré au bureau national du S.N.I. où il assumait la fonction de secrétaire à la Défense Laïque.

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Quand la dissolution du S.N.I. est imposée par Pétain, Joseph Rollo décide avec trois autres responsables, dont René DERVOUT instituteur à Camors, de garder les fonds de l'organisation départementale et de travailler à la reconstruction du syndicat. Georges LAPIERRE , secrétaire général “clandestin” du S.N.I le fait entrer dans le réseau de Gilbert RENAULT, colonel “Rémy”.

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Quand Lapierre est arrêté, en février 1943, René BONISSEL vient à Auray lui demander de prendre la succession de ce dernier . Joseph Rollo accepte et se rend dès lors souvent à Paris pour rencontrer les militants du comité directeur ou dans d'autres départements pour essayer de réunir des petits groupes de camarades sûrs. C'est lui qui rédige “l’ Appel aux instituteurs de France “ pour les inviter à ne pas désespérer, à ne pas se croire isolés, à rechercher les moyens de participer à la Résistance. Lu au micro de la B.B.C., ce texte a un retentissement profond.

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Entré dans le mouvement “Libération Nord” en mars 1943, sous le pseudonyme de « Réal»,il est chargé d'organiser la moitié ouest du département où il va entreprendre sur une grande échelle le recrutement des patriotes, qu’il visitait régulièrement, se déplaçant à bicyclette, presque chaque jour après sa classe.

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Il confie à son ami, René Dervout, le secteur qui s'étend d'Auray à Pontivy, à des amis socialistes de Pontivy, celui de cette ville et de la région avoisinante et à Jean LE COUTALLER, alias “Camille”, instituteur à Persquen, tout le secteur situé à l'ouest de Pontivy. Lui-même se charge d'Auray et de la région comprise entre cette ville et Hennebont, de la R.N. 165 à la côte.

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Conjointement avec Francis LE PENVEN, Armand LE BÉRIGOT( ancien gendarme, alias “ Cadoudal”), il recrute des officiers et des sous-officiers de carrière ou de réserve capables d'encadrer les futurs soldats d'une armée insurrectionnelle et au début de septembre 1943, trois sections d'une cinquantaine d'hommes sont ainsi mises sur pied encadrées par trois sous-officiers de carrière : GOUGAUD, LIZIARD et KÉRAUDAN.

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En janvier 1944, Joseph Rollo participe en outre à la constitution du comité départemental de Libération .Les groupes de «LibéNord» sont intégrés à l'Armée secrète,alors dirigée par Paul CHENAILLER alias “ Morice”. Quand Joseph Rollo, apprend, le 21 mars, que son ami François LE LEVÉ, secrétaire général de la C.G.T clandestine, et membre, comme lui, du comité départemental de Libération, vient d'être arrêté, il se sent en danger.

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Il le dit quelques jours plus tard à René Bonissel, aux « Deux Magots » au cours d'un voyage à Paris et encore le jeudi 30 mars à René Dervout qui lui propose de se cacher chez le meunier de Pont-Fao en Camors, dans le refuge qu'il s'est préparé pour lui-même en cas de besoin.

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Il sent qu'on l'espionne et pourtant il répond : « Il faut que je rentre ; je n'ai pas encore le droit de partir ». Il est arrêté le lendemain, le 31 mars 1944, par le SD . Incarcéré à Rennes, puis à Compiègne, il est déporté au KL Neuengamme, le 28 juillet 1944. Lors de l’évacuation du camp, il décède le 8 avril 1945 à Sandbostel. Il avait 54 ans. Ce convoi du 28 juillet 1944 était formé de 1651 hommes, dont 1042 vont mourir ou disparaître dans les camps nazis.

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Se trouvait également dans ce convoi, son ami François Le Leve ( matricule 39879) né le 13 novembre 1882 à Riantec . Celui-ci , entré comme apprenti chaudronnier à l’arsenal de Lorient, où il fera tout sa carrière, syndicaliste, avait pris sa retraite en 1938 . Au moment de la guerre, s’occupant de la Bourse du Travail à Lorient, il a contribué à la reconstitution de la C.G.T clandestine. François Le Levé décède à Neuengamme le 20 janvier 1945 : il avait 62 ans .

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Selon Roger le roux, les compagnons de déportation de Joseph Rollo diront à leur retour son attitude admirable de courage, de dignité, de foi dans l'avenir de l'humanité. “Joseph Rollo, idéaliste et homme d'action, restera l'une des plus nobles, des plus pures figures de la Résistance Morbihannaise”

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Document établi par Katherine LE PORT d’après l’ouvrage de Roger LE ROUX “ Le Morbihan en guerre”

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Complément d'infos : le camp de prisonniers de SANDBOSTEL
(cliquez sur le texte)

Le réseau Pat O’ LEARY à PONTIVY

Le réseau qui recevra après la guerre le nom de Pat O'Leary était spécialisé dans la recherche des aviateurs alliés tombés en territoire occupé et il s'efforçait d'organiser leur rapatriement via l'Espagne.

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Le chef de ce réseau était un médecin militaire belge, le docteur GUÉRISSE (Lieutenant dans la Royal Navy connu sous le nom de PAT O'LEARY).

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Son second, Louis-Henri NOUVEAU, originaire de Marseille, connu sous le pseudonyme de SAINT-JEAN, s'employait en 1942 à étendre l'organisation du réseau à de nouvelles régions.

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Il obtint l'adresse de Pierre ROPERT, qui tenait à Pontivy, place du Martray, un magasin de confection, présenté comme un patriote de confiance .

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En effet, Pierre Ropert était un grand blessé de la guerre 1914-1918, mutilé de la main droite, ayant en outre gardé des éclats d'obus dans la tête. En 1940, à l'arrivée des Allemands, il avait acheté beaucoup d'essence pour se constituer une réserve. Il en donna un jour à un moine, originaire de Pontivy, dont le couvent se trouvait en Belgique. Un jour de 1943, ce même moine, accompagné d'un confrère, revint demander l'hospitalité . M. et Mme Ropert leur donnent bien volontiers le gîte et le couvert. Le lendemain, deux autres moines arrivent à leur tour mais ceux-là ne sont pas authentiques ! Ils sont également bien accueillis et tous quatre repartent très vite. Ils ont donc pu témoigner auprès de Pat O’ Leary des sentiments anti-allemands de Ropert.

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Vers la mi janvier 1943, Saint- Jean ( alias Louis- Henri Nouveau) se rend à Pontivy chez les époux Ropert.

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Pierre Ropert lui présente le commissaire de police Henri LOCH, dont il connaît les sentiments à l'égard des Allemands et de Vichy. Saint-Jean demande à ce dernier de contacter d'autres sympathisants pour étoffer l'organisation naissante : il faut établir des relais dans toute la région pour récupérer les aviateurs alliés, les nourrir, les vêtir, les cacher en attendant qu'un agent de l’organisation vienne les chercher à Pontivy.

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Un peu plus tard, sur les indications de Henri Loch, Saint-Jean prend contact avec le voisin de palier de celui-ci : Henri CLÉMENT, directeur de l'Autocarbone, qui se joint à eux ainsi que Joseph JÉGARD, le chauffeur de son usine.

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Dans la cour où Saint-Jean doit passer pour monter dans son grenier, donne une chambre que Ropert loue à un ecclésiastique, l'abbé MARTIN. Ropert met celui-ci au courant de son action pour le réseau et s'assure son concours.

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Bientôt le propriétaire de l'hôtel-restaurant des Voyageurs, André WEINZAEPFLEN, entre à son tour dans le réseau.

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Avec une recommandation de Ropert, Saint-Jean va ensuite à Locminé voir le notaire Yves KERRAND qui promet de faire tout ce qu'il pourra si des avions sont abattus dans la région.

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Le Père GUÉNAËL ( Jean-Mathurin THOMAS), cellérier de Timadeuc, se met à la disposition du réseau d’évasion. L’ abbaye peut en effet constituer un précieux relais pour cacher des aviateurs alliés en attendant de les acheminer vers l'Espagne.

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Quelques jours plus tard, l'abbé Martin présente à Saint Jean, l'abbé Pierre FOUCRAUD qui, à son tour, propose deux de ses amis, l'abbé AUDO, vicaire, qui a déjà fait du contre- espionnage en Belgique en 1914-1918 et LE FRAPPER, armurier, place du Martray à Pontivy, en face du magasin Ropert.

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L'abbé Audocommence très rapidement à recruter à Saint-Gérand, à Saint-Gonnery, à Croixanvec, à Stival, au Sourn, des correspondants qui cacheront et signaleront les aviateurs en détresse.

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Ainsi en une quinzaine de jours environ, début février 1943, un réseau composé de gens sûrs est constitué et se tient prêt .....

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Deux aviateurs recueillis à Gourin pourront ainsi être pris en charge par l’abbé Martin et convoyés jusqu’à Paris, par un autre membre du réseau, Jean BACH dit Sébastien, (originaire de Limoges), Paris, où ils sont pris en charge par Roger LENEVEU, un ancien légionnaire recruté par Saint Jean, qui les fait rejoindre l’Espagne via Toulouse.

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Un deuxième “convoyage” jusqu’à Paris de cinq aviateurs tombés d'une forteresse volante dans la région de Brest est organisé dès le 12 février 1943. Le 13 février, Saint-Jean les prend en charge à Paris et les embarque à la gare d'Austerlitz. Le même jour, il est arrêté avec eux en gare de Saint-Pierre-des-Corps. Ils ont été dénoncés par Roger Leneveu qui est entré dans le réseau sur ordre de la Gestapo pour laquelle il travaille. Quelques jours après, Pat O'Leaty lui-même est arrêté à Toulouse par Roger Leneveu et d'autres membres de la Gestapo.

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Toutefois, ces arrestations restent ignorées en Bretagne, tout comme le rôle véritable de Roger Leneveu.

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La recherche et le convoyage des aviateurs tombés sur le sol breton continue donc.

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Quand Roger Leneveu, venant de Paris, arrive à Pontivy, il se présente aux membres du réseau comme envoyé par Saint-Jean.

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Sans hésitation, Henri Loch lui confie, le 11 juin 1943, le convoyage de six aviateurs qu’il doit conduire à Paris, ainsi que d’ Hubert CREVIC, agent du B.O.A, qui doit se rendre en Angleterre en même temps que les aviateurs

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En gare de Saint Nicolas des Eaux, les allemands procèdent à l’arrestation des six aviateurs et de Crévic ( qui parviendra à s’évader du convoi le conduisant en Allemagne le 7 août 1944 )

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Dans la soirée du 11 juin, à partir de 19 h, les arrestations se succèdent à Pontivy : Henri Loch, André Weinzaepflen, patron de l'hôtel des Voyageurs, Henri Clément, son fils Jean et son gendre Pettré.

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Vers 20 h, les Allemands se présentent au domicile de Pierre Ropert, 2 rue amiral Coudé. Il n'est pas rentré. Sa femme parvient à prévenir l'abbé Martin. Celui-ci ne cherche pas à s’enfuir et les hommes de la Gestapo vont l'arrêter en sortant de chez Ropert.

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Quant à ce dernier, rentré chez lui vers 23 h, il ne croit pas qu'on va l'arrêter. Il ne veut donc rien changer à ses habitudes. Le lendemain il part pour Penthièvre où il possède une maison et il est arrêté en gare d'Auray. Joseph Jégard est arrêté le dimanche13juin, jour de la Pentecôte ( il reviendra de déportation). Le père Guénaël sera arrêté le 14 juin 1943.

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Henri CLÉMENT( né le 09.09.1909 ?), l'abbé Joseph MARTIN( né le 29 février 1904 à Auray? ), Pierre ROPERT ( né le 29.03.1895 à Pontivy), Joseph TUFFIN( né le 09.07.1893à St Gonnery), et le père GUÉNAËL, mourront en déportation.

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L’exécution de
Pierre Ropert fut particulièrement monstrueuse : selon Roger Le Roux, il aurait été l’une des 1016 victimes du massacre commis le vendredi 13 avril 1945, au village de Gardelegen situé à 60 kilomètres au nord de Magdebourg.

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Le massacre de GARDELEGEN
(cliquez ci dessus pour accéder à l'article)