Jacques Bonsergent

 

Jacques Bonsergent, né en 1912 à Malestroit est le premier français fusillé par l’occupant,
le 23 décembre 1940 au fort de Vincennes , il avait 28 ans

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Selon les témoignages recueillis par son frère Gabriel, voici l’enchaînement des faits ayant conduit à cette exécution inique.
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Le 10 novembre 1940, vers 21 h, un groupe de sept jeunes gens sortait de la gare Saint-Lazare : X., qui s'était marié la veille, et sa femme, Jacques Bonsergent et son amie Marcelle Dogimont et trois camarades, anciens élèves comme les deux jeunes hommes de l’Ecole nationale supérieure des Arts et métiers d’Angers ( promotion 1930).
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Les jeunes mariés marchaient à quelques mètres devant les autres. Sur le trottoir de la gare Saint-Lazare, à la hauteur du café Mollard, ils croisaient un sous-officier allemand ivre qui prenait la jeune femme par la taille et voulait l'embrasser. X... décochait un coup de poing qui faisait chuter l’allemand au sol . Jacques Bonsergent se précipitait vers le couple, interpellant son ami : “ Tu es fou ! Allez, fichez le camp ” puis il aidait l'allemand à se relever pendant que tous ses amis se dispersaient.
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Place de la Trinité, Jacques Bonsergent, qui portait une gabardine semblable à celle de son ami, était arrêté par deux soldats allemands. Son amie Marcelle Dogimont avait le temps de voir les deux soldats frapper le jeune homme puis l’emmener à l'hôtel Terminus. Il était ensuite transféré à la prison du Cherche midi.
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Pendant tous les interrogatoires comme devant ses juges, Jacques Bonsergent ne cessa d’affirmer qu’il n’avait pas frappé le sous officier allemand mais il refusa de désigner son ami comme le responsable des faits .
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Aux allemands qui lui répétaient “ Vous savez qui a frappé. Dites-nous-le ” il opposa le même refus, y compris au Président du tribunal militaire allemand qui osa lui dire “ Nous savons que vous n'êtes pas coupable, dites-nous qui a fait cela et vous êtes libre”.
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Le 5 décembre, Jacques Bonsergent était condamné à mort .
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Selon l’abbé Stock, qui accompagna Jacques Bonsergent jusqu’au poteau d'exécution, au commandant du peloton qui lui demandait une dernière fois : “ Dites-nous un nom et j'ai l'ordre de vous de relâcher ” , Jacques Bonsergent répondit “ je ne dirai pas de nom, vous trouveriez moyen de mettre un visage dessus ;”
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Le 23 décembre 1940, les Parisiens pouvaient lire cette affiche :
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" L’ingénieur Jacques Bonsergent a été condamné à mort par le tribunal militaire allemand pour acte de violence envers un membre de l’armée allemande. Il a été fusillé ce matin ".
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Outre sa dignité exemplaire face aux bourreaux, est-ce la manifestation anti-allemande des étudiants aux Champs Elysées le 11 novembre 1940, est-ce le renvoi de Laval le 13 décembre dont on sait qu’il provoqua la fureur d’Hitler, qui conduisirent les dirigeants nazis à donner l’ordre au Général Von Stülpnagel, commandant en chef de la Wehrmacht en France, de ne pas signer la grâce du jeune homme?
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L’occupant nazi révélait en tout cas au peuple français la véritable nature de “l’ordre public assassin” qu’il entendait lui faire subir : faire fusiller “ pour l’exemple” un innocent .
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Voici la dernière lettre que Jacques BONSERGENT écrivit le 22 décembre 1940 à son frère aîné et à sa belle-soeur qui résidaient à LORIENT ( ceux -ci l’avaient élevé)
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“ Mes chers grands,
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Cette lettre vient bien vite après celle que je vous ai écrite ce matin Le 5 décembre, j'ai été jugé et condamné à mort. On vient de m’annoncer que mon recours de grâce a été refusé. Je suis exécuté demain matin...
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..Je meurs victime d’une confusion. Je suis accusé . Je suis accusé d'avoir frappé le 10 novembre des soldats allemands alors que je n'ai que voulu m'interposer entre eux et le vrai coupable.
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Je suis fort de mon innocence et je m'en vais la conscience propre. Surtout, ne me pleurez pas trop. J'aurais pu mourir sur le front.
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Embrassez bien tendrement tous nos petits, mes frères et soeurs et leurs enfants, et vous qui avez été mes parents, je vous dis adieu en vous embrassant comme je vous aime et comme vous m’avez prouvé que vous m'aimiez.
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Votre petit Jacques ”
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D’après la notice établie par Roger Le Roux
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dans “ le Morbihan en guerre” page 100