LEURS DERNIÈRES LETTRES

Le 10 décembre 1943, informé que des jeunes gens du groupe Vaillant-Couturier se cachaient dans une bâtisse abandonnée, au milieu de la lande de Malguénac, un chef de la brigade de gendarmerie de Pontivy, faisait procéder à l’ arrestation d’ André LE MOUËL devenu chef du groupe, André COJAN, Raymond GUILLEMOT, André LE GARREC, Joseph LE MOUEL, Jean MAHÉ, Ferdinand MALARDÉ, etJean ROBIC, tous originaires de la région de BUBRY, et les livrait aux Allemands dès le lendemain.

A l’occasion d’une perquisition à Bubry pour trouver Emile Le Carrer et René Jehanno, dirigeants des F.T.P, André Le Mouël, frère de Joseph, parvenait à s’échapper : tous les autres, à l'exception d'André Le Garrec et d'André Cojan (1) dont la peine était commuée, étaient condamnés à mort le 17 février 1944 pour sabotages de voies ferrées, et fusillés le 25 février 1944, dans la carrière du champ de tir à Kermelin en Saint Avé dit le Polygone de Vannes

Voici les lettres écrites de prison, le jour même de leur exécution, par quatre d’entre eux (2) :

Raymond GUILLEMOT ( 19 ans) :

Chers parents,

Je vous embrasse affectueusement pour la dernière fois.

Vannes, le 25 février 1944

Reprenez courage, ne vous laissez pas abattre par le chagrin: le temps qui s’écoulera effacera tout.

Je m’en vais le coeur calme avec la satisfaction d’avoir fait mon devoir. Effacez-moi de votre souvenir et vivez heureux. Embrassez pour moi toute la famille : oncles, tantes, cousins et cousines, mon petit filleul Raymond et mon petit neveu Jean-Paul.

Mes adieux à grand frère, à Rosa et petit Jean -Paul. Mes derniers au revoir à tous nos voisins de Lanester.

Je vous quitte tous et encore une fois courage. L’avenir est à vous.

Raymond

Joseph LE MOUËL ( 23 ans):



Bien chers parents,

Je vous envoie un petit mot qui va sûrement vous attrister: je viens d’être condamné à mort par le tribunal allemand et on va être exécuté aujourd’hui même.

Mes chers parents, il ne faut pas vous chagriner pour moi, ayez du courage ma chère mère; moi je vais être tué, mes trois frères prisonniers en Allemagne vont revenir à la maison bientôt.

Mes chers parents, je souhaite que vous soyez heureux après la guerre. Je vous remercie des colis que vous m’avez envoyés tous les vendredis, parce qu’on était très mal nourri.

Mon frère André a été fusillé depuis longtemps, je ne l’ai pas vu depuis les premiers jours qu’on était arrivé ici. Alors mes chers parents, je vous dis Adieu pour la dernière fois. Chers parents, vous embrasserez tous mes frères, soeurs, neveux et nièces pour moi. Adieu mes chers parents, je vous embrasse bien fort de tout mon coeur.

Votre fils Joseph qui meurt en pensant à vous.

Jean MAHÉ ( 23 ans):



Chers parents,

Vannes, le 25 février 1944

Deux ou trois mots pour vous faire savoir que je vais être fusillé aujourd’hui par les Allemands. Chers parents prenez courage jusqu’à l’arrivée de mon cher frère qui est prisonnier en Allemagne et qui vous aidera dans vos durs travaux. Mais je souhaite que vous serez heureux après la guerre, malgré les plus durs tourments que vous avez subis.

Je vous remercie beaucoup des colis que vous m’avez envoyés pendant mon séjour en prison.

Cher père, chère mère, prenez courage, votre fils meurt pour le salut de la France.

Je vous embrasse tous dans un dernier adieu, ainsi que mon frère Jean-Marie et sa petite famille, et le retour de mon pauvre frère d’Allemagne.

Votre fils meurt pour que la France revive. Un dernier adieu.
Vive la France et vive les F.T.P

Mahé Jean

Ferdinand MALARDÉ ( 21 ans):

Vannes, le 25 février 1944

Chers parents,
Deux ou trois mots pour vous faire savoir que je vais être fusillé aujourd’hui.

Chers parents, ne perdez pas courage. Je veux aussi que vous gardiez de moi quelques souvenirs, et que mon frère André garde l’accordéon, pour mes habits il faudra tout garder.

Chers père, mère et frère, gardez courage et une chose que je vous souhaite, c’est d’être heureux après la guerre.

Chers parents, je vous remercie pour les colis que vous m’avez envoyés tous les vendredis, je vous ai fait beaucoup de peine jusqu’à l’âge de vingt ans et maintenant je viens vous faire la plus grande de toutes, mais refoulez vos larmes car vous savez pour quel idéal je tombe.

Moi je ne tremble pas devant la mort, rejetez toutes vos peines et prenez courage.

Chers père, mère et frère, je vous embrasse tous dans un dernier adieu ainsi que ma tante Louise et toute la famille.

Votre fils Ferdinand qui ne vous oublie pas.
Chers père, mère et frère, gardez votre courage, car vous serez très heureux après la guerre Ferdinand qui embrasse son père, sa mère et son frère ainsi que toute la famille.

Adieu et bon courage.

Ferdinand

( I) André COJAN, né le 18.05.1926 à Bubry et André LE GARREC, né 05.11.1920 à Bubry, étaient déportés sous le statut NN au KL de Natzweiller le 4 mai 1944. Transférés dans divers camps, ils étaient libérés de Sachsenhausen , le premier le 02.05.1945, le second le 22.04.1945.

( 2) Nous ignorons les dates et lieux de naissance de ces jeunes hommes. L’âge indiqué figure sur le monument élevé à Saint Avé “ aux martyrs français fusillés en ce lieu par les Allemands 1941- 1944".