1944, AU FORT DE PENTHIÈVRE.

Le 11 juillet 1944, le chef de la Gestapo de Vannes fait remettre au colonel Reese, officier de carrière, l’ordre de faire fusiller cinquante détenus car, dit- il, la prison de Nazareth est surpeuplée. L’ordre est transmis au major Esser, âgé de 40 ans, ancien instituteur qui fait transférer les prisonniers au fort de Penthièvre où les exécutions dureront pendant trois heures, le 13 ou le 14 juillet .

Voici ce que dit avoir vu de ces exécutions un prêtre catholique allemand, Andréas Weiglen, qui a assisté un vendredi du mois de juillet 1944 à la mort de six des patriotes: «J'allais ensuite à la place d'exécution sur les murs de la citadelle. Là il y avait deux bouts de bois dans la terre environ cinq mètres plus loin je voyais sept soldats allemands avec leurs fusils... A côté se trouvait un médecin allemand et un juge de guerre de la division de Redon. Comme premier on amenait Léon Fallotet on le ficelait avec son dos contre le bois. Le juge lisait la condamnation en allemand et après en français. La cause était nommée « franc-tireur ». Sur la question du juge : «Avez-vous encore un désir ? » Fallotrépond : « Rien ». J'allais vers lui et priais avec lui « Mon Jésus ayez pitié de nous»...
Pendant que je me retirais et que les soldats tournaient le levier de sûreté, Fallots'écria « Vive la France ! » Sur ordre les soldats firent feu et Fallottomba. Il a été détaché et déficelé. On l'a posé sur l'herbe, et après quelques instants le médecin constatait sa mort. On porta le corps du mort à côté. Où? Je ne sais pas. A ma demande « Qui fera l'enterrement ?» On me répondit: «Le curé de Saint-Pierre».
La même chose se répéta encore cinq fois. En deuxième et troisième ce furent les frères Samson. Je ne me rappelle plus la suite des trois autres. Ils venaient tous sans indice de peur, très courageux, comme des héros, comme des hommes qui combattent pour une grande idée. Les officiers et soldats qui étaient présents avaient aussi la même impression. Je quittai la place de l'exécution et même le soleil levant qui annonçait une belle jour- née d'été de juillet ne pouvait pas me consoler, et je me demandais: « Pour- quoi ces six hommes là devaient-ils mourir ? ».

Il n’y eut pas d’enterrement fait par le curé de Saint Pierre: les corps fu
rent jetés dans une sorte de boyau souterrain d'une trentaine de mètres, creusé par les Allemands à partir d’un tunnel qui était primitivement profond de quelques mètres, tunnel qu’ils refermaient sur les cadavres par trois épaisseurs de murs, distants de trois mètres les uns des autres et séparés par de la terre. Au moment de la découverte des corps, on relèvera sur les murs des inscriptions « Vive de Gaulle » et des croix de Lorraine entourées de « V », ce qui peut laisser craindre que tous n'étaient pas morts lors de la fermeture du tunnel...

Lors de son procès qui vit sa condamnation à mort, Reese n’hésita pas à prétendre: «la lutte en Bretagne était devenue impossible... à chaque carrefour, dans tous les villages, nos troupes étaient attaquées, mitraillées, décimées... nous ne trouvions devant nous que des adversaires qui n’acceptaient pas de se battre à terrain découvert».

A la question sur le fait qu’aucun des cinquante détenus n’avait été jugé, Reese répondit «je le savais... mais cela ne présentait aucune importance. Les policiers m’avaient informé qu’il s’agissait de terroristes et qu’ils devaient être liquidés. L’ordre d’Hitler était pour moi la seule loi que je devais observer... Ma conscience ne me reproche absolument rien... Pour les FFI, le devoir était de tuer les allemands... sans jugement eux aussi».

A Penthievre les corps de cinquante deux suppliciés furent découverts le
16 mai 1945, dont quatre jamais identifiés:

Ceux de Plumelec (côté Sud), Jean Brule, 21 ans, ouvrier agricole, FFI, Mathurin Jego, 49 ans agriculteur quatre enfants; Paul Le Maire, hôtelier 33 ans, deux enfants; (côté Nord) Jean Le Coq, 32 ans, médecin, trois enfants; Henri Le Gal, forgeron, 19 ans arrêté le 28 juin;Jean Maréchal, 21 ans, né à Paris; Henri Mounier, agriculteur, 24 ans , un enfant; Robert Pichot, aide en pharmacie, 19 ans, combattant à Saint Marcel.

Ceux de Quily ( côté Sud) Alexandre Caillot, 25 ans facteur dans le réseau Guimard depuis 1943; Gabriel Caillot, 32 ans FFI les deux frères ont été arrêtés le 8 ou 9 mai 1944.

Ceux de Vannes ( côté Sud) A. Cadoret, L. Le Bihan, G. Gasnier, ( côté Nord) J. Penpenic.

Ceux de Locminé ( côté Sud) Georges Basson, 21 ans, mécanicien; Albert Caro, 27 ans, employé; Marcel Dantec, 37 ans, forgeron; Antoine Ethore, 29 ans, caporal FFI, mécanicien; Léon Fallot, 43 ans, commerç̧ant; Pierre Galerne,23 ans, employé; Edouard Guillo, 25 ans, employé;
Félix Hilary,27 ans, ajusteur; Joachim Lamour, 39 ans, mécanicien; Joseph Le Bellour, 24 ans, jardinier; Yves Le Brazidec, 23 ans, manoeuvre; Laurent Le Foulgoc,24 ans, bourrelier;
Jules Le Maguet, 44 ans, marbrier; Jacques Lenormand, 46 ans, garagiste; André Le Pennec, 18 ans, boulanger; Roger Le Roux,19 ans, peintre; Gaston Lohezic, 22 ans, typographe;
Georges Lolon, 33 ans, watman; Jean Martin, 31 ans, sergent FFI, chef cantonnier; Jean Nael, 27 ans, FFI, chef de train; Aristide Samson, 31 ans, watman; Charles Simon, 20 ans, boucher;
Joachim Thebaud,39 ans, menuisier; (côté Nord) Laurent Le Foulgoc, 24 ans, bourrelier;
Jules Le Maguet, 44 ans, marbrier; Mathurin Quilleré, 38 ans, couvreur; Joseph Samson,18 ans, manoeuvre; Charles Simon, 20 ans, boucher; Joachim Thébaud,39 ans, menuisier.

Ceux de Molac ( côté Sud) A. Daniel, ( côté Nord) E. Monnier, M. Tellier.

Ceux de Mohon (côté Sud) J.Gautier, ( côté Nord) P. Hervé.

Ceux de Pleucadeuc, ( côté Nord) E. Monnier, A. P. Piquet.
( côté Sud ) :
E. David, de Nantes, J. Dufis, de Carcassonne, Arsène Juillard, SAS blessé (arrêté à la clinique de Malestroit le 27 juin 1944) de Meissac,
J. Le Normand, de Port-Louis, Côté Nord : H. Le Gall, de La Chapelle Caro; V. Mahé de Brest;
P. Le Guenedal, de Baden; Perron de Bubry; E. Morel, de Saint -Marcel; A. Péresse, de Languidic; J. Tréhin, de Landevant; M. Tuffigo, de Saint Pierre Quiberon.