STALAG 369
CEREMONIE DU 8 MAI 1945. TÉMOIGNAGE INÉDIT DU COLONEL JEAN-FERNAND RÉMONDIN.
Résistance hors du commun le 08/05/2011
Le colonel Jean-Fernand Rémondin n'a jamais rendu publique les affres qu'il a vécues durant la Seconde Guerre mondiale. À 90 ans, résidant Bourbon-Lancy, il décide de livrer aujourd'hui un témoignage exceptionnel car il s'inscrit dans un fait de guerre très singulier : l'Allemagne nazie a dénié l'application de la Convention de Genève de 1929 précisant les attributions relatives aux sous-officiers et officiers prisonniers de guerre. Dès 1941, la Gestapo enjoignait effectivement les consignes de repérer les éléments sous-officiers ayant refusé de servir le Reich nazi afin de les éliminer ou de les soumettre au « traitement spécial » selon la terminologie propre à la Gestapo.
Le jour de ses 20 ans, le 19 septembre 1940, Jean-Fernand Rémondin s'en souvient bien. Il était prisonnier de guerre à l'usine McCormick de Neuss am Rhein. « Ce n'était pas la joie... Ce jour-là, j'ai saboté une machine. Par la suite, j'ai commis six autres actes similaires. J'avais un esprit de vengeance, je suis patriote ».
Trois mois auparavant : « J'ai été bouclé dans les combats d'Alsace, sur la ligne Maginot ». Il est alors envoyé quelques semaines dans des services administratifs de l'armée allemande avant d'être contraint à travailler dans une usine ennemie. Jusqu'au mois de mars 1941, Jean-Fernand Rémondin opère des actes de sabotage sur les machines-outils. « Ce n'étaient pas des actes de résistance pure, mais j'étais énervé, on crevait de faim, on était dépassé ». Fin mars 1941, les prisonniers de Neuss am Rhein apprennent l'existence de la Convention de Genève qui stipule que les sous-officiers n'ont aucune obligation de travailler.
La résistance face-à-face avec l'ennemi durant 4 ans
« À une centaine, nous avons décidé de ne pas aller travailler. Cela a fait un grand drame ! On a alors subi interrogatoires, menaces... Nous n'avons pas cédé, nous sommes entrés dans un acte de résistance ». Et c'est le début d'une longue période d'intimidations et de répressions : interrogatoire à répétition, soupe supprimée, etc.
Il est alors envoyé dans un stalag au milieu des marais, à Bathorn, puis au camp disciplinaire de Gross-Hesepe avec d'autres prisonniers sous-officiers. « Tout était fait pour nous rabaisser. On voulait nous ramener au rang de sous-hommes ». Les pressions sont permanentes : rassemblements à répétition dans la nuit glacée, tir impromptu de sentinelle à quelques centimètres, privation de correspondance et de colis, corvées dégradantes, interrogatoires et fouilles successives. « Quand vous avez le boche en face de vous qui fait tourner le pistolet autour de son doigt, vous vous demandez ce qu'il va faire ! ». La résistance et la détermination sont à l'épreuve du sadisme de l'ennemi, les yeux dans les yeux.
« La nourriture était limitée à 1 400 calories, alors que nous avions besoin de 3 000 calories », luttant contre le froid, l'angoisse, les travaux physiques dégradants.
De nombreux prisonniers ont craqué. « Sur 2 385 prisonniers à Gross-Hesepe, 936 ont refusé de céder aux menaces et aux chantages. Nous avons alors été classés comme irréductibles, irrécupérables et indésirables sur le territoire du Reich ». En avril 1942, la Gestapo décidait de leur sort : la déportation en Pologne.
22 kg perdus en un mois
Rémondin est transféré au camp de Dalum, puis est embarqué comme du bétail à la gare de Geeste dans d'ignobles wagons. Cinq jours plus tard, le 26 juin 1942, Rémondin, comme 5 000 autres sous-officiers réfractaires, plonge dans l'ennui, la faim, la promiscuité encore plus glauque du camp spécial de Kobierzyn, stalag 369, à 40 km d'Auschwitz. Par un poste TSF livré clandestinement au block I, Rémondin apprend le débarquement du 6 juin 1944. « Puis, alors que nous étions en corvée de patates dans une ferme d'État, un groupe de jeunes Polonaises nous apprend que les Russes sont à moins de 100 km de Kobierzyn ».
Le long retour vers la liberté va s'enclencher et c'est pourtant là que Rémondin verra de près la mort. Il est transféré en Haute-Silésie, dans le camp de Sagan, le 11 août 1944. « La nourriture était tombée à 1 000 calories par jour. J'ai perdu 15 dents. » Les Russes approchent à 40 km. Les Allemands décident de rapatrier les prisonniers vers l'Allemagne... à pied. Du 8 février au 7 mars 1945, 1 118 sous-officiers prisonniers de guerre vont marcher 525 km dans des conditions météorologiques extrêmes et 300 gr de nourriture quotidienne. Chaque jour, l'effectif se réduit, des malades et des morts en cours de route, tous déjà affaiblis par 31 mois du régime spécial Kobierzyn. Rémondin se sentira quasiment sauvé une fois arrivé au camp de Ziegenhain, après avoir perdu 22 kg durant cette expédition. « Comment avons-nous pu tenir le coup ? Comment avons-nous pu nous en sortir ? ».
Le 30 mars, les Américains libèrent le camp de Ziegenhain. Jean-Fernand Rémondin est rapatrié en priorité pour raison sanitaire, sur l'aéroport du Bourget. Sa mémoire le submerge d'émotion : « Les hommes de mon arme avaient constitué une haie. Ça faisait chaud au cœur... Et de voir ce drapeau flotter ! ».
Le 21 avril 1945, il retrouvait ses parents à Bourbon-Lancy.
Article transmis par Mme Demairy
Pont de Buis Finistère