Le Cloître

 

Nous célébrons aujourd'hui, le 70eme anniversaire du drame de l'été 44, au cours duquel 13 des occupants de l'hôpital de campagne clandestin installé dans cette chapelle du Cloître, 11 blessés et deux soignants, furent exécutés sur le champs, à l'issue de chasse à l'homme menées sur tout le territoire de la commune quadrillée depuis plusieurs jours par l'armée nazie.

en 2008,lorsque nous avions inauguré la plaque commémorative, nous avions évoquésle prtrait des martyrs, qui résume un peu le visage de cette puissante Résistance Morbihanaise de l'ouest du département: de petits groupes de patriotes associant les jeunes des villes et les jeunes des campagnes, une jeunesse bien enracinée dans le pays, mais laissée à elle-même du fait des conséquences de la défaite et du honteux armistice de juin 40, une jeunesse privée du soutien et de l'expérience de la génération des adultes de l'an 40, leurs aînés des années 30: deux millions de jeunes hommes enfermés dans les camps de prisonniers de guerre. Et pour finir une jeunesse elle-même menacée de déportation à travers la réquisition de main-d'oeuvre du STO, après avaor été condamnée - pour celle du littoral - à l'exode intérieur.

A travers cette jeunesse, c'était comme le notait même un ministre de Pétain dès septembre 1942, l'amiral Auphan, c'était la nation française qui était menacée.

C'est pourtant isolée, éclatée, affaiblie qui, pour une grande part, a relevé le défi de rétablir la souverainté de la France, rétablir la République et les droits du citoyen qui constituent le fondement de la démocratie. 

Il s'est agi d'un moment presque unique dans notre histoire, similaire par certains côtés à la mobilisation des soldats de l'An II, autre grand élan patriotique pour sauvegarder les acquis démocratiques de la Révolution.

Le massacre du 24 juillet 44 est une opération de guerre criminelle. Il visait des jeunes gens désarmés et affaiblis, et leurs soignants non combattants, Fernande Uzel et Jean-Claude. Des centaines de soldats rassemblés pour la capture d'une grosse dizaine d'hommes désarmés, cela interroge. On sait maintenant que les militaires assassins avaient investi la commune, interdit l'usage des cloches à l'occasion des funérailles du recteur. Ils craignaient la population rassemblée. La présence massive des allemands n'aboutit à aucune arrestation de résistant valide, aucune rafle pour le STO. Ils n'avaient plus de relai dans la commune. A quelques jours de leur enfermement dans les bases du littoral, ils n'avaient plus la capacité de contrôler les campagnes. Ils étaient battus, paralysés, juste bons à massacrer gratuitement. Voilà ce que nous
disent nos morts de juillet 44. Le général allemand qui commandait en Bretagne en 1944 ment quand, dans ses « mémoires » il prétend avoir neutralisé la Résistance, tout comme mentent certains écrivaillons autonomistes actuels, adeptes du copié-collé, qui poursuivent par la plume le combat nazi d'il y a 70 ans.

Ce massacre du Cloître est un aveu d'impuissance. La Résistance a gagné, et pas uniquement avec l'aide des troupes alliées. Ses victoires dépassent amplement le terrain de l'affrontement militaire. Elle a gagné parce qu'elle était le cœur de la population et que dans cette population les hommes de cœur ont résisté et soutenu de bonne heure la Résistance.
Quistinic va fournir aujourd'hui 3 exemples de cette solidarité résistante contre l'Occupant, qui dépasse de très loin l'action armée.

 

1.     Fernande Uzel : infirmière, 30 ans. Rien ne la prédestine à être une  une résistante active. Originaire de Riantec, réfugiée avec sa famille au village du Porzo, à quelques centaines de mètres de la chapelle, chez les Le Saux.
Quand des blessés sont installés au Cloître c'est tout naturellement qu'elle offre ses services et qu'elle assure son devoir, professionnel autant que patriotique. Humain, simplement.

 

2.    Mme Ruyet et sa famille de Locunehen, à 1 km du bourg. Dans le village voisin, Keramour, la maison des chefs résistants, les frères Jan, a été brûlée ; aux abords du village de Locunehen, un résistant en fuite, Jean Bellec, vient d'être abattu. Pourtant, quand Mme Le Ruyet découvre Marcel Le Pallec, lui aussi recherché, elle le nourrit, le cache, l'intègre au travail des champs sous le nez des allemands, pour mieux le camoufler. Cette audace sauve Marcel.
En pleine connaissance des risques encourus Héroïque, tout simplement.

 

3.    La famille Evano de Keramour. Il s'agit de réfugiés de Lanester, originaires de Quistinic où ils retournent début 43, fuyant les bombardements aériens.
Dès cette époque ils hébergent Victor et Léon Popileuc, deux petits parisiens du 15ème arrondissement, enfants d'un fourreur juif, exfiltrés par la tante Prudence, quistinicoise émigrée à Paris. Victor et Léon resteront à Keramour un an et demi, camouflés en petits Evano, protégés parfois par la discrétion des familles voisines, les Bruchec, les Rolland, par celle de leur instituteur Mr Kermeur, Nénesse pour ses élèves, Nénesse qui lui-même était remplacé par sa vieille mère institutrice retraitée quand l'occupant traînait trop dans les parages.

 

Ces quelques exemples, spectaculaires, montrent bien que la Résistance était populaire, soutenue par la population, en pleine connaissance de cause et capable, même face aux pires effets de la barbarie nazie, de tenir tête et de développer la solidarité contre le fascisme.
En ce jour anniversaire de la tuerie du Cloître, que l'hommage soit rendu aux patriotes décédés, rendu aussi à ceux qui ont survécus et ont su nous transmettre la mémoire, et à tous, femmes et hommes courageux qui ont rendus la victoire contre le nazisme possible.
Hommage aux justes, à ceux qui luttaient et à ceux qui luttent aujourd'hui contre l'oppression, le racisme, l'exploitation, l'injustice, la haine.

 

Jean Pierre FOUILLE

Président du Comité ANACR de Bubry-Quistinic