Message pour une journée de la résistance, le 27 mai

Il y a 70 ans, le 27 mai 1943, 48 rue du Four, dans Paris occupé depuis près de trois ans, quadrillé par l’armée nazie avec le concours des forces de répression du régime collaborateur avec l’occupant que présidait Pétain, et sur les murs duquel, comme sur ceux d’autres villes de France, étaient avec une sinistre régularité apposées des affiches bilingues annonçant l’exécution de patriotes, que désormais la population appellent «les Résistants», se réunissaient autour de Jean Moulin, initiateur de la rencontre qu’il va présider, les représentants de huit grands mouvements de Résistance, de six partis politiques résistants ainsi que des deux centrales syndicales clandestines.

Même si ses participants n’en ont alors pas eu pleinement conscience, leur réunion était un moment historique : à son issue naitra, sous la présidence de Jean Moulin, le Conseil National de la Résistance, le CNR. L’événement sera en effet de portée considérable : toutes les forces de la Résistance, jusque-là dispersées, vont être désormais coordonnées, il ouvre la voie à l’unification au sein des FFI des différentes structures militaires de la Résistance, il va conduire à l’élaboration, puis à la publication dix mois plus tard, en mars 1944, du Programme du Conseil National de la Résistance.

Evénement de portée considérable puisque, lors de sa réunion constitutive, le CNR, en se plaçant sous l’autorité du Comité National Français présidé par le Général de Gaulle, va permettre au chef de la France Libre de s’affirmer face à Giraud - porteur d’un pétainisme sans Pétain non sans audience auprès des Anglo-américains - comme le seul représentant de l’ensemble de la France Combattante, tant en lutte de Résistance sur le sol national occupé que combattant sur tous les théâtres d’opération d’Europe, d’Afrique, d’Asie et du Pacifique, où s’illustraient aux côtés des Alliés les Français libres.

Patriotisme, humanisme, idéaux démocratiques et aspiration à une société solidaire, à un monde juste et en paix, furent les valeurs qui motivèrent l’engagement des Résistantes et des Résistants dans le combat contre l’occupant nazi, et le régime pétainiste complice de ses crimes ; combat convergeant avec celui des Français Libres et prenant sa place dans la lutte des peuples et des forces alliées contre la barbarie génocidaire et liberticide.

Ce furent les valeurs inspiratrices du Programme du Conseil National de la Résistance, qui dessina les contours d’une France rénovée après sa libération, d’une France démocratique sur les plans politique, économique et social, d’une France solidaire ; programme qui, par la mise en place à la Libération par le Gouvernement présidé par le Général de Gaulle de nombre des mesures qu’il préconisait, permit de redresser économiquement la France, d’affirmer son indépendance nationale, d’approfondir sa vie démocratique en même temps que des avancées formant encore aujourd’hui - malgré des remises en cause accentuées ces dernières années - le socle de notre protection sociale.

Soixante-huit ans après la victoire le 8 mai 1945 des peuples et des armées alliées sur la barbarie du nazisme et des fascismes, le monde contemporain connaît hélas toujours la guerre, l’oppression, le racisme, les discriminations et épurations ethniques, les persécutions religieuses, le sous-développement social et culturel de populations entières. Les héritiers des idéologies criminelles vaincues en 1945 relèvent la tête, paradent dans les rues, font l’apologie publique de ceux qui se firent les acteurs ou complices des crimes fascistes et nazis, et – pire - retrouvent une audience à la faveur des crises que connaissent nos sociétés et le monde : ce qu’ont traduit les récents scrutins intervenus en Europe orientale et centrale, en Europe tant du Nord que de l’Ouest. En Grèce, un parti ouvertement néonazi est entré au parlement... Dans notre pays, la xénophobie et les discours faisant des immigrés les responsables de maux que connaît notre société - tels le chômage ou l’insécurité - ne sont plus que la seule marque de l’extrême-droite mais ont contaminé hélas nombre de discours.

Dans ce contexte, les valeurs humanistes, démocratiques et patriotiques pour lesquelles luttèrent les Résistants et que symbolisent les figures emblématiques de Jean Moulin et du Général de Gaulle, cette aspiration à une France et à un monde meilleurs, plus justes et solidaires dont ils furent porteurs - et qu’à exprimé le Programme du Conseil National de la Résistance - restent plus que jamais d’actualité.

C’est pour assurer leur nécessaire transmission aux jeunes générations, pour répondre à leur besoin de connaissance, de repères et de mémoire qu’avec l’Association Nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance, qui fut il y a une vingtaine d’années à l’origine de sa proposition et n’a cessé depuis de lutter pour sa réalisation, nombre d’autres Associations d’anciens Résistants, d’anciens Déportés et du Monde Combattant, l’Union Française des Associations de Combattants - l’UFAC - qui rassemble les principales d’entre elles, ont demandé l’instauration d’une Journée Nationale de la Résistance le 27 mai, moment privilégié du passage de cette mémoire aux générations contemporaines, en même temps que d’hommage à la place de la Résistance dans l’histoire de notre pays, d’hommage aux Résistantes et Résistants qui ont lutté et trop souvent sont tombés pour sa liberté dans la France occupée et dans les camps de la mort.

Depuis, de plusieurs législatures successives, des centaines de parlementaires, députés et sénateurs de tous les groupes sans exception des deux assemblées, se sont prononcés en faveur de cette instauration ; de même que par centaines des Conseillers généraux et régionaux. Plusieurs centaines de municipalités, une quinzaine de Conseil généraux, 8 Conseils régionaux ont adopté des vœux en ce sens, et en ont organisé la célébration dans leurs collectivités.

Et, le 28 mars dernier - enfin !, pourrait-on dire - le Sénat, à une quasi-unanimité n’étant pas sans rappeler celle qui présida à la naissance du CNR, par 346 voix sur 348, a voté la proposition de loi instaurant la Journée nationale de la Résistance, invitant les enseignants à, ce jour-là plus particulièrement, transmettre à leurs élèves la connaissance de la lutte des Résistants et des valeurs qui les motivèrent.

Le texte de la loi votée par le Sénat a été transmis à la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale pour examen avant qu’elle ne soit soumise au vote des députés en les mêmes termes. Nous souhaitons que ce processus se déroule rapidement, afin que l’année 2013, année du 70ème anniversaire de la création du CNR, soit aussi celle de l’adoption officielle de la date du 27 mai comme Journée Nationale de la Résistance.

Ce ne sera que justice, et être fidèle à l’Histoire de notre pays, dont les Résistantes et les Résistants écrivirent une des pages les plus glorieuses.

Ce sera aussi inaugurer de manière éclatante ce cycle mémoriel des 70èmes anniversaires des luttes du peuple français, des peuples européens, des peuples du monde entier pour la liberté et contre la barbarie, pour abattre le nazisme, les fascismes italien et japonais et ceux qui furent leurs alliés, ce cycle mémoriel qui nous verra encore cette année, en septembre-octobre, commémorer la libération du premier département métropolitain, la Corse, l’année prochaine la publication du Programme du CNR, les débarquements de la Normandie et de Provence, la libération de notre pays, avec l’insurrection nationale qui, en soulevant le peuple français contre l’occupant et ses complices, apporta un concours décisif aux armées alliées, et, en 2015, célébrer la victoire définitive sur le nazisme et le militaro-fascisme japonais.

Rendez-vous de la mémoire, rendez-vous des valeurs auxquels nous répondrons comme aujourd’hui : présents !

 

Louis CORTOT
Compagnon de la Libération
Président de l’ANACR