A l'attention des lecteurs,

le texte qui va suivre est la version intégrale (sans aucune correction)

des mémoires de Jean Brézulier dit Trebor dans la résistance bretonne

TOUR

DE

BRETAGNE

DE

TREBOR (ROBERT)

DE 1939 A 1945

Je me présente, « TREBOR », sergent de liaison de la 2eme Compagnie du 1er Bataillon FTPF du Morbihan, qui est devenue le 2eme Bataillon FTP du Morbihan, pour ensuite être le XI Bataillon FFMB ( Force Française Morbihan Bretagne) puis le 2eme Bataillon de Marche du Finistère, tout cela appartenant à la 19eme D.I.

Je suis né à Lorient, le 25/11/1925 donc je suis de la classe 45, celle qui n'a pas fait un jour de service militaire, j'habite aujourd'hui à Saint Maude 56560 – Guiscriff.

Voici une partie de mon périple breton (certaines choses sont vérifiables , d'autres, non) Tout de suite je précise vous ne verrez pas de photos du Bataillon .Nous sommes partis en guerre sans papier, sans stylo, ni carte routière, seul le Capitaine en avait .

Personnellement , j'avais mon masque à gaz, mon casque et un poignard (que je possède encore)fabriqué par un ouvrier de l'arsenal de Lorient, ma hache était restée à la maison car j'ai fait partie de la défense passive avant de partir au maquis (j'évoque le fait un peu plus loin).

Lors des premiers parachutages à Ty-Glass en Plouray j'ai balancé casque et masque à gaz dans les ronces pour remplir ma musette de chargeurs de "stenn"

Quand la guerre éclate en 1939, je suis à l'EPS (Ecole Primaire Supérieure) du Quai des Indes - Lorient (56).

Les instits sont mobilisés et remplacés par des jeunes filles d'une vingtaine d'années, l'une d'entre elles s'est permis de nous traiter d'embusqués, pas besoin de vous expliquer la suite !(Le Directeur s'est déplacé pour rétablir l'ordre)

Le soir il m'arrivait de pêcher la crevette sur l'appontement aux remorqueurs à Tréfaven (poudrerie militaire) Lorient où mon Père était en poste et où nous nous habitions et un soir , sans le vouloir , il est vrai , de dénoncer les discussions en morse de l'occupant qui ne se gênait pas .

C'était mon premier fait d'armes, je n'avais pas 14 ans c'était au début Novembre 39. On s'est rendu compte par la suite qu'il s'agissait d'officiers de la 5eme colonne.

Ça commençait mal pour le Pays , les chevaux réquisitionnés , mal en point pour la plupart étaient parqués le long de la route qui mène à la poudrière où j'habitais .

Les allemands qui discutent en morse sans se gêner , les marins sous les drapeaux qui manquent de ravitaillement et surtout de pinard , heureusement mon ami Louis le Hen et moi étions là pour les aider . Ils étaient devenus des amis .

La guerre stagne, rien ne bouge et puis un jour déménagement en vélos , la poudrière doit sauter , l'ennemi approche , on déménage sur Kerlaren à 200 M environ des 5 chemins de Guidel chez des cousins éloignés.

Il faut passer des chicanes, dressées là pour arrêter les allemands (ordre de l' Amiral de Penfentanio ) un marin se tient devant la boulangerie avec une mitrailleuse quadruple de 12/7 neuve ; un autre avec un drapeau blanc doit le prévenir de l'arrivée de l'ennemi, grosse faute, les chleuhs ont vu le drapeau et on crut que Lorient se rendait sans combat. Ils se font tirer dessus, la première voiture est déchiquetée, il n'y a pas de place à poser la main à plat.

Les balles perdues nous sifflaient aux oreilles . Il a fallu que j'aille voir et j'ai

vu de très près même deux types qui sortaient d’une maison, habillée en vert de gris , un fusil à la main. Ils tiraient sur tout ce qui bougeait.

Ils ne m'ont pas aperçu, j'étais dans un chemin creux, ils ont déplacé mon vélo, mon père m'a dit que c'était des schleuhs, j'ai eu chaud. Avec les copains , le soir, on démontait ce qui pouvait être démonté sur des véhicules abandonnés provisoirement .C'était le 21 Juin 1940, ce n'est pas un canon qui s'·est-présenté le premier comme il l'a été écrit (j'y étais).

Nous étions vendus . Pas de représailles quant au morse . La poudrière n'a pas sauté , il a fallu revenir à la maison et voir partir les marins nos amis en colonne par 5 pour ... ? Caché derrière des touffes de ronces près des chevaux parqués en contrebas , je fais des signes à mes amis qui partent vers la gare, de se laisser glisser de ce côté, il n'y a pas de sentinelle, la réponse est nette et claire "mon" p 'tit gars nous partons pour trois semaines de vacances en Allemagne .... !

Si ça ce n'est pas un acte de résistance ça y ressemble.

Pendant ce temps-là le mazout brûlait à Beg-ar-Men. Avec une équipe de Jeunes (j'étais le plus âgé de la bande) nous voilà partis voir. Ça n'a pas plu à tout le monde , un vert-de-gris en colère nous a dit un mot que personne ne connaissait "rhaus" et le voilà qui me met un coup de pied dans le postérieur, je lui ai dit qu'il allait me le payer cher, lui non plus n'a pas compris et heureusement pour moi .

J'ai maintenant 15 ans et à l'école rien ne va plus. A l'atelier un peu mieux mais on fait des tours de cons , entre autres, on a cassé la grande meule à eau en deux et le père a bien vu qu'il fallait changer d'épaule à son fusil. Il a réussi à me faire entrer à l'arsenal sur le compte de la marine allemande comme apprenti (il ne devait pas y en avoir beaucoup d'autres avec moi)

Là ce n'était pas la joie. Un morceau de rail dans l'étau, une lime d’un kilo au moins et vas-y toute la journée, le soir je n'avais pas envie d'aller voir les filles, mais au moins je pouvais agir.

Au bout d'un moment , on me laissait un peu libre et je profitais pour aller regarder les sous-marins qui revenaient avec leurs flammes de victoires .

C'est comme ça que je suis devenue le meilleur client du chauffeur qui livrait le pain et qui sans le savoir dépannait les collègues qui n'avaient pas de cartes de ravitaillement (les évadés)

Cela aurait pu durer mais en 42 on m'envoie à la base de sous-marins de Keroman, à 16 ans, à ce moment-là on était jeune, j'avais trouvé un jeu de jetons qui servait pour avoir des outils . Au début ça fonctionnait mais au bout d'un moment les jetons ne bougeaient plus car je ramenais les outils

chez moi, jusqu'au jour où je me suis fait contrôler par l'homme aux yeux verts- (que malheureusement je n'ai pas retrouvé après la guerre) j'ai été sorti de ce mauvais pas par le Commandant Christien de la gendarmerie maritime (j'apprendrai par la suite que mon père travaillait comme agent de renseignements pour lui et pour Monsieur l’Ingénieur en Chef Jacques Stosskopf qui sera fusillé au camp du STRUTTHOF, sans avoir parlé ce qui a manifestement sauvé notre Père et tous les membres de son, Réseau.IL était le Directeur de 1' Arsenal de Lorient.(56) et il était considéré par beaucoup comme un collabo.

Monsieur Christien était un ami de notre famille . (Résistant dès l'arrivée des allemands)

1943, retour à l'arsenal, je travaille au grand garage près de la porte "Colbert"

toujours comme apprenti, mais les anglais ont décidé de détruire Lorient et son port , les alertes sont très fréquentes et il faut sortir de l'arsenal le plus vite possible sur les ailes des camions.

Un jour , le camion que j'ai pris au passage se dirige vers Keryado , arrivé devant l'ozone , une forteresse anglaise se pointe droit sur nous a moins de 100 Mètres de hauteur, elle venait de bombarder l'aérodrome de Lann Bihouée.

Nous avons crié au conducteur schleuh d'arrêter et couru à travers champ, rien d'exceptionnel, à part que je venais de traverser un champ de mines et qu'il me fallait le retraverser à la fin de l'alerte.

Je m'étais équipé d'un casque et d'une hachette pour la sécurité civile (voir

auparavant) pour aider mes concitoyens.

Il me revient trois faits en mémoire

1 ° - Je dormais dans la mansarde au 2e étage près du grenier , au 3 de la rue Ste Véronique à Merville Lorient (56) et pendant les bombardements

j'étais aux premières loges pour voir ce qui se passait . Les bombes incendiaires venaient' de tomber, il y en avait 4 dans le coin de la rue, je suis descendu pour les éteindre pendant que mon père montait l'escalier pour éteindre celles qui étaient tombées dans le grenier à côté de ma chambre mansardée. Mon père s'en tirera de justesse , une bombe étant tombée dans une malle de tissus les fumées l'asphyxieront.

Au numéro 2 de la rue brûlait la maison accouplée à la maison du 4 , celle de Monsieur et Madame .Suzanna , italiens d'origine . La maison était condamnée , que faire ? je demande à aller dans son grenier et à la hache j'ai défoncé le toit, je me suis arrosé et fait le pompier. La maison construite depuis peu a été sauvée, belle maison qui est toujours là.

Etant patron-pêcheur il y a quelques années , en déposant ma pêche de pousse-pied (anatifes) au frigo de Kergroise, l'un des trois ouvriers qui étaient là , a dit à ses collègues en parlant de moi : ce Monsieur a sauvé la maison de ma mère , comme il ne me paraissait pas âgé c'est surement sa mère qui lui en a parlé.

2° -Au début des bombardements nous étions réfugiés à Caudan . Un jour en allant à Guiscriff(56) à vélo, sur la route de Plouay , il y avait un camion français dans le fossé , avec des réfugiés qui quittaient Lorient Que faire? Toujours avec mon casque et ma hache, les bras en croix j'arrête le premier véhicule qui se présente , à mes risques et périls car c'est un camion allemand qui s'arrête , mais polis , ils ont sorti l'autre camion du fossé , nous les avons remerciés (on ne pouvait pas faire autrement).

3°-Toujours à Caudan, après un bombardement, le bruit court qu'une ferme brûle à la Montagne du Salut (vers Hennebont 56) Je m'entraînais pour des courses à vélo à ce moment-là. Je n'ai pas été long à me rendre sur place et à dire mon fait aux gens qui empêchaient les bêtes de sortir de l'étable . Je suis entré et j'ai fait sortir tout le bétail (2 chevaux, des vaches et des génisses) mais trop tard pour la maison dans laquelle est resté l'argent, les billets ont évidemment brûlé et on n'a retrouvé que la monnaie (Une

femme de prisonnier qui travaillait seule ... )

Dans ce grand garage près de la porte "Colbert" les sabotages étaient plus sérieux , les allemands ont mis longtemps à s'en apercevoir , vu mon âge et à voir la vérité.

Sur un car de Dion-Bouton, un énorme car raflé à PARIS , il ne m'a fallu que quelques secondes pour laisser tomber un tournevis dans la boite de vitesse, trois ouvriers pendant trois jours ont travaillé pour le sortir.

Un jour j'ai été pris à nettoyer mon vélo car à ce moment-là un vélo c'était très important . 2 heures en bas et surtout changement de travail.

Je me retrouve aux pneus du temps où les chambres à air étaient rouges.

Le chauffeur qui se plaignait d'une roue qui se dégonflait en 15 jours, je tirais un peu fort pour la sortir et elle se retrouvait avec une fente de 20 cm.

Je crois que j'étais rendu à la fin de mon rouleau et non, de là, ils m'ont mis au lavage des camions. Je n'en ai lavé qu'un, écœuré, j'ai attendu 18 heures pour mettre dans le réservoir du tracteur de la semi, le jet d'eau au moins 30 secondes, au risque d'être fusillé sur place, le lendemain je n'ai pas approché les lieux, ils ont demandé à mon père pourquoi je ne venais plus au travail.

Le père leur a répondu que les terroristes m'avaient volé mon vélo. (Mise au point pour moi ), j'ai laissé un salaire de deux mille francs pour aller me faire casser la gueule , perdre mon sang et ma sueur pour le pays , celui qu'on appelle aujourd'hui l'hexagone).

J'attends ma carte de volontaire de la résistance ainsi que la médaille militaire depuis longtemps.

Monsieur le Président de la République française vient de m'avertir qu'il me décernait la médaille militaire.

A Guiscriff où nous étions réfugiés , il y avait des résistants mais ils avaient besoin de sang neuf, changer la direction des pancartes, couper les fils électriques parler aux jeunes dans les bals. Cela ne suffisait pas. L'idée me vint de contacter les collègues de l'arsenal.

Jean Caignec , originaire de Lanveur Lorient, blessé au Boutel (Lanvénégen - 56) et Massacré à Querrien(29) avec 5 de ses camarades .

Pierrot TANGUY rue Jeanne d’Arc à Lorient (compagnon du Capitaine Bemadin, mon Père)

Joseph MARTIN originaire de Lanester

Yves CORITON originaire de Lanester

Roques CARRION (le plus mauvais chauffeur du garage qui est devenu le commandant de notre Bataillon ) et quelques autres dont je ne me rappelle plus les noms. Roques Carrion, aviateur ,Colonel de l'armée de l'air espagnol (sur ordre de sa Majesté le Roi Juan Carlos d'Espagne) qui aidera à former le maquis de mon père pour le maniement des armes.

Les uns-et les autres ont déserté l'arsenal pour rejoindre un ancien caporal qui a pris le grade de capitaine et a lancé le bataillon en prenant le commandement de la 2e Compagnie , Charles Le Bris, 3 fois évadé des camps dont celui de RAWA-RUSKA. Il est arrivé le 3 Novembre et a aussitôt formé sérieusement le bataillon.(1er FTP, il devient 2eme FTP du Morbihan).

J'ai refusé tout de suite les galons de lieutenant, bien que je tirais mieux que mon père militaire de carrière . J'ai pris les galons de sergent , ce qui nous manquait le plus c'était des cadres .

Mon travail fut de chercher des officiers de 40. C'était mission impossible. Ce sont les anciens marins ou militaires de 40 qui ont bouché les trous. De Novembre à Février 1944 juste de quoi ne pas s'ennuyer, recruter, collectionner des armes blanches, maniement d'armes avec le peu qu'on avait, creuser des talus, distribuer des tracts etc .

17/02/44 scier l'observatoire de Langonnet (56) qui repérait nos déplacements.

22/02/ 44 faire un prisonnier avec sa mitraillette (première arme de la compagnie et qui ne quittera plus le Capitaine).

Le 6/3/44 je suis allée chercher à Tréfaven les 2 révolvers du Capitaine "Bernadin" mon père et une boite de 125 balles de 8mm.

Avril avec le Lt Forlot et un groupe nous sommes allés près de Bannalec, (Finistère) saboter le train des permissionnaires chleuhs . Mission réussie.

Fin Avril : prends "Gouvino" avec toi, vous allez désarmer la gendarmerie du Faouet, facile à dire, mais sans armes? Mission ratée et très dangereuse car à ce moment-là , le 1/3 des gendarmes était pour la résistance, I/3 pour Pétain et 1/3 attendait pour choisir le plus fort.

Mai 44 : Tu vas à St Tugdual (56) chercher une mitraillette "stens" pour le Commandant. Je te conseille d'aller à travers champs ; je trouve que c'est trop dangereux , je prends ma musette , un casse-croute, un bleu de chauffe, je pique l’un des révolvers de mon père que je mets dans le bleu , mon vélo et en route pour le Faouët Priziac, Melrand et c'est parti.

Arrivé dans la côte du Faouët dans le grand virage je vois un arbre sur la route,

debout , il y a de quoi se pincer mais aucune possibilité de faire demi-tour. STOP! l'ordre est net et en bon français mais c'est un lieutenant allemand qui le donne, vos papiers SVP. Où allez-vous?, que faites-vous? je réponds en allemand et en français. Il me rend mes papiers. Sauvé? non! qu'avez-vous dans votre musette . A manger - essence - Vous pouvez y aller . Ouf, pas de problème ensuite. Le Commandant Pierre m’a montré le maniement et retour vers Guiscriff . La "Stenn" sur le dos , oui mais il faut traverser le Faouët . J'ai demandé à un môme de 8/10 ans s'il veut gagner 20 centimes, il faut faire quoi? tu vas voir s'il n'y a pas de soldats allemands sur la place. . Non personne et hop , la mitraillette bien sur le dos en direction Scaër , il faut passer devant la gendarmerie , mais là encore gros problème dans le croisement de la dernière route à droite , il y avait un café sur le mur duquel il y avait une vingtaine de vélos schleuhs et surtout

deux sentinelles avec le fusil sur l'épaule . J'ai calculé qu'en allant vite j'avais une chance d'arriver au premier virage. C'est ce que j'ai fait et vous voyez mon nom n'a pas été gravé sur la pierre des monuments.

Encore un ou deux mots sur cette "Stenn". Arrivé à Rosquennec (Guiscriff 56) où nous étions réfugiés, je l'ai camouflée dans les fougères près de la maison et le lendemain elle n'y était plus. Je pense que mon père était dans le coup mais je ne savais pas qu'il faisait partie du bataillon.

Le 21 Juin 44 . Prends un vélo et tu vas voir si la route de l' Abbaye de Langonnet est libre car on part pour les maquis. Elle n'était pas libre et je tombe avec mon copain d’école.

Ils nous font faire demi-tour, une chance pour moi mais pas pour Louis le Hen mon copain que Je n'ai pas revu depuis . Il nous a fallu partir à travers champs pour les parachutages de Ty-Glass en Plouray, non sans avoir eu un accrochage avec deux motards allemands que nous avons ratés, ils n'auraient jamais été grands-pères si l'on m'avait laisser le revolver de mon Père. (C’était le lieutenant « ARTHUR » qu’il avait).

Juillet 44 : Marche de nuit et embuscades . Tous les jours on change de place le capitaine est de toutes les sorties et comme je suis son ordonnance en somme et agent de liaison armé , je suis de tous les coups durs et il ne me fait pas de cadeaux.

La nourriture était rare , surtout pour celui qui bouge toujours et à Sainte Tréphine, un jour, pendant les dix minutes de repos nous étions 4 à acheter de l'eau de vie pour tenir le coup. N'étant pas sourd, je reste près de la porte d'entrée du pen-ty au cas où passerait un véhicule sur la route, tout allait bien jusqu'au moment où je jette un œil dehors . Des verts de gris à perte de vue qui défilaient depuis un moment. Allez les gars, je suis sorti le premier et j'ai vidé mon chargeur les autres ont fait de même , j'ai vu Rose le Bec se jeter dans une touffe de ronces et un russe blanc lui tirer dessus car

c'était des russes. Le Bec s'en est sorti avec des égratignures.

le 14 juillet - Nous défilons devant le monument aux morts de MAEL CARHAIX et ordre est donné à "Trebor" de se préparer à aller chercher du renfort à Guiscriff- 20 volontaires enrôlés par le Capitaine « Bernardin » mon père aidé par sa secrétaire "Chicou" (ma sœur cadette) également agente de liaisons) à l'aller un vélo de femme, un révolver que je ramène à la maison. Un parachute pour faire une chemise à mon cabot-chef

et qui entoure le pétard. En route par la voie de chemin de fer, pas de problème jusqu'à Gourin mais en quittant la voie au petit pont route du Faouët , un paysan me crie que j'ai des chleuhs aux trousses. J'ai oublié de vous dire que j'ai avec moi tout le courrier de la compagnie . Je saute dans le premier café venu et demande à la patronne de ramasser les lettres que j'ai balancé et de les mettre dans une boîte , je monte le plus vite possible sur mon vélo . A peine quitté GOURIN ça tire sur la droite (les combats de Kernabat à Scaër, 15 morts pour la France) il est temps de sortir le révolver du parachute et de le mettre à la ceinture , il est remis à son propriétaire. Mission à demi réussie mais il y a le retour avec des gars qui n'ont pas pu tirer un coup de feu, nous avions en tout un fusil de chasse et une grenade qui on l'a constaté par la suite n'avait pas de mèche, un caillou quoi.

Deux alertes, l'une sur l'autre, nous avions fait une halte avant de passer la nationale , nous buvions du lait offert par le cultivateur sans trop nous cacher quand on voit un convoi de schleus armés jusqu'aux dents . Ils ne nous ont pas aperçus ou n'ont pas eu le temps de s'occuper de nous et en 3 groupes nous avons réussi à traverser la RN. A peine passés, un gros bruit de moteur.

Impossible de savoir d'où il arrive, des chasseurs anglais qui passent en rangs serrés à 10 Mètres de nos têtes et qui arrosent les convois de boches qui viennent de passer.

J'ai ramené la moitié de l'effectif, l'autre est rentré dans la nuit, ils avaient écouté un gros malin qui leur donnait une route plus courte . J'ai eu le droit de me faire engueuler surtout que je ne suis pas passé par Gourin pour les chausser de souliers . On ne peut pas tout prévoir et ils étaient en sabots de bois.

29/07/1944 Combats de la Pie

Chaque compagnie avait des ordres d'attaquer dans le secteur Carhaix-Rostrenen , il y avait 3 ou 4 bataillons . Ça faisait beaucoup de bruit et les chleuhs n'appréciaient pas . Ils ne pouvaient plus circuler librement. Un matin vers 5h30, ils ont tapé dans la fourmilière mais les fourmis piquent.

Moteurs arrêtés, ils se sont attaqués à notre première compagnie et à ceux qui se baladaient avec un pistolet à la ceinture. Nous étions à ce moment-là dans les bois de la Civette à Kergrist-Moëlou (à l'époque côtes du Nord) cela se déroulait au début de l’après -midi.

Il nous a fallu faire 10 kilomètres à pied , dirigé par le chef de brigade Guyader de Mael-Carhaix , natif de Scaër. Le vélo à la main, il nous a guidés sur des véhicules en stationnement alors que les chauffeurs se baignaient dans le canal.

Nous sommes arrivés ensemble, en même temps que le car de renfort, chargé de soldats allemands en armes, en plein dans le point de mire de notre fusil mitrailleur.

N'ayant qu'une mitraillette, je me suis approché au plus près pour tirer sur la route nationale. Les balles traçantes du fusil mitrailleur me passaient au-dessus du crâne, je n'ai vu qu'un seul soldat allemand sortir du car qui a brûlé, et dont l'épave est restée longtemps sur place près du canal de Nantes à Brest.

Etant le plus près, j'ai été le dernier à partir, j'ai été salué de 4 roquettes qui sont tombées dans les 4 coins de la prairie que je traversais, ce qui m'a fait accélérer le retour. Aucun blessé : Mission accomplie.

-- ~ ... ~

Nous sommes sur la première page du premier Ouest France du 7 Août 1944.

Le 2 août 1944, l'ordre est de contacter le Commandant pour savoir si nous restons à Rostrenen car les américains sont bloqués à cause d'un pont qui a sauté.

sauté. Le Commandant doit se trouver à Corlay à 25 kms de nous . Vélo de femme et la "stenn" en bandoulière, 50 kms sur les routes nationales de jour, c'est un peu comme si on monte à l'échafaud, surtout le 2 août 1944.

Arrivé à Corlay, dans le bas du bourg, une rafale pour essayer de contacter un résistant, personne ne peut me renseigner. Je dors dans le foin. Je n’ai jamais recommencé depuis. Le lendemain toujours personne , je décide de rentrer. A mi-route une nuée d'avions dans le ciel ,je n'en ai jamais vu autant, pour le débarquement dans le sud surement.

40 ans après en lisant Ami-entends-tu j'ai appris qu'il y avait une rafle dans le haut Corlay ce jours-là. Mes cheveux se sont dressés sur la tête. Le 14 août 1944 Les américains ont ordre de nettoyer la poche de Paimpol et de Lézardrieux, mais ils n'ont pas d'infanterie, c'est notre bataillon qui est choisi , pourquoi ? embarquement pour Pleudaniel dans un camion récupéré aux allemands, mais arrivés à Guingamp panne d'essence. Personne ne parle l'anglais, comment faire? il me vient une idée. Sous un pont près de nous passe une rivière et dedans deux gros poissons. Je donne ordre à "Fridu" mon caporal-chef de descendre les chercher. Une balle à chacun et les voilà le ventre en l'air.

Un amateur de pêche GI descend d'un GMC et nous échange les poissons contre 20 litres d'essence. On est sauvés on peut continuer la guerre et c'est ainsi que le lendemain je faisais 7 prisonniers , 6 de la mitrailleuse qui nous barrait la route.

Un adjudant qui venait aux renseignements à 200 Mètres devant la compagnie, montait un même temps que moi un talus mais de l'autre côté . Il a eu la bonne idée de lever les bras sans quoi je le coupais en deux , il avait une carabine américaine.

Ils étaient environ 2000 et une petite centaine de notre côté.

Dans le sud-ouest de Lézardrieux (côtes du nord), à peine arrivé, j'ai acheté une grosse moto. Un commandant de mon âge me demande de faire la liaison avec son unité. Je lui ai dit qu'il tombait bien, je suis agent de liaisons mais la moto n'a pas voulu redémarrer et il m'attend toujours depuis.

J'ai pris un gars avec moi et je suis parti chercher autre chose. Un 2T5 Renault n'était pas loin avec une roue à plat et nous voici au P.C. avec notre engin . Pas de temps à perdre . Tu prends un groupe avec toi et tu vas déminer la route de Pleudaniel afin de faire passer les chars de la 15e et de la 17e Cavalerie de PATTON; Le Caporal-Chef devant, une nana entre nous, l'équipe sur le plateau. A peine démarré un allemand se met les bras en croix devant le camion et il gueule . Celui-là je vais l'écraser mais j'ai compris ce qu'il disait (Minen! Minen!). A 10 M devant nous, en pleine ville la route n'avait pas été déminée (mon regret depuis, c'est de n'avoir pas pris ce viel allemand dans mon groupe , car il en a dû en entendre avec ses copains.

J'ai aussi sauvé un américain , lardé de coups de coupe-choux . J'ai été à Pleudaniel (22) chercher une ambulance américaine qui n'a pas voulu se déplacer . Interdiction de monter en première ligne. C'est un C6 Citroën de la Résistance qui est venu le chercher . C'est au retour, en longeant la rivière que je me suis égaré et quand j'ai remonté le champ de choux , j'étais dans les lignes allemandes .

J'avais devant moi la casemate avec la mitrailleuse schleuh, la porte arrière de la casemate était ouverte, deux rafales de ma "Stenn" et c'est là que j'ai fait mes 6 prisonniers.

'Au retour, nous sommes passés par VANNES pour déloger les boches qui se planquaient dans la nature et à Meucon on a signé .ou non l'engagement pour la durée de la guerre .

Septembre et octobre 1944, Persuel en Merlevenez (56) et Portanguen (56) devant les ponts de Nostang (56) deux mois en première lignes quand les américains restent 8 jours en 3e lignes . J'étais toujours volontaire pour les patrouilles . J'étais devenu un champion avec ma "Stenn" confectionnée avec les boites de conserves des anglais. Un geai, gênait le capitaine, avec un plomb de 9mm, je lui ai coupé la tête , il faut clôturer le PC , une rafale de 4 balles et 3 fils électriques sont par terre.

Un jour avec un fusil à lunette, un allemand a failli m'avoir. La balle est passée à moins d'un cm de mon oreille droite, je pense que c'est son cadavre que l'on a retrouvé le long de la route derrière un talus.

Un autre jour les américains veulent aller voir ce qui se passe chez les clients d'en face. Ils réclament un spécialiste des patrouilles. Nous nous sommes approchés à une vingtaine de mètres d'un camp ils ont parlé avec les collègues à Landévant en 3e ligne (des artilleurs ) les obus en déchirant l'air sont passés à 5M au-dessus de nous pour tomber sur les cabanes en bois à 20 mètres de nous . Mission accomplie , pas de blessés.

En novembre 1944 ordre m'est donné avec un groupe d'aller prendre une mitrailleuse qui se trouve soi-disant dans une prairie. Il fallait de mon côté passer près du bourg de Merlevenez (56). Certains de notre groupe n'étaient pas des champions , ils se camouflaient mal et c'est comme ça qu'un allemand qui allait aux toilettes a aperçu l'un d'eux. On voyait la moitié de son corps et d'un coup on ne vit que deux casques.

Ceux qui étaient près de moi étaient à 50 mètres de la mitrailleuse, j’ai demandé au pistolet mitrailleur de me couvrir J'avais 3 grenades à manche , J'ai avance jusqu’à leur

hauteur pour les lancer. Il n'y avait que la route entre nous, pendant ce temps-là mes gars ont pu prendre position , mais hélas quand le fusil-mitrailleur a voulu changer de chargeurs, pas de chargeur le servant du fusil-mitrailleur était parti. Ça tirait de partout , l'artillerie balançait des fusants . J'ai pris un éclat dans ma musette de chargeurs et l'un de nos gars a été traversé par une balle de la mitrailleuse sous le rein droit qui est sortie au-dessus du sein gauche. Il a donc fallu le porter de Merlevenez à nos lignes à PERSUEL (sur 3,5 kilomètres) et en side-car à Landévant à 7 kilomètres.

Mission ratée (Un blessé grave qui par la suite s'est suicidé) a Saint Anne d'Auray (56).

De ce secteur, nous sommes partis sur Pont-Scorff et Gestel. Rien ne marchait plus, trop près de Quimperlé (29) trop de sorties pour certains, c'est comme ça que j'ai perdu un copain de mon âge (deux jambes coupées) j'ai été chargé de prévenir sa famille .il s'agit de Robert MOISAN de Guiscriff (56).

J'ai été nommé responsable du ravitaillement. Nous avions deux secteurs sur les lignes, chose que j'avais refusée depuis le début et puis je n'avais plus de voiture, J'ai demandé à changer de Compagnie et j'ai été mutée à la 2e Cie du 2e Bataillon de Marche du Finistère . Dans mon nouveau groupe il y avait un gars de 40 ans et moi 18 ans, il a fallu que je fasse mes preuves. J'ai demandé au Lieutenant HIRST (commandant la 2eme compagnie) de nommer mon groupe pour une patrouille .

Aussitôt dit aussitôt fait. Nous avons été arroser les allemands à 50 mètres de leurs lignes. Je suis grimpé dans un arbre pour voir la réaction et au retour j'ai changé la place du fusil-mitrailleur et j'ai pris sa place .

Un obus a atterri entre mes jambes mais n'a pas explosé. Nous étions au début Mai . Était-ce un obus à blanc ou un saboté par les prisonniers en Allemagne? Je ne le saurai jamais.

J'ai gardé les prisonniers allemands qui m'ont appris mon métier de 1941 à 1943 (arsenal) au camp de Lann-Bihoué (aéroport près de Lorient 56) j'ai été responsable d'un demi-train d'officiers qu'on amenait à Dunkerque pour déminer les plages. pendant un voyage des résistants ont été blessés par des pavés lancés des ponts en passant près de Paris . Eh oui , ils nous attendaient sur un pont , pas longtemps , une rafale a éclairci la foule et c'est comme cela qu'un Commandant me demande au premier arrêt

si je connais celui qui a tiré ? bien sur mon Commandant et si vous voulez descendre mes prisonniers donnez-moi un ordre écrit et mes gars vont se faire un plaisir de faire le travail et je vous prêterai ma "stenn". Nous n'avons pas fait la guerre pour prendre des pavés sur la tronche, nous méritons mieux .

A cet arrêt , un cheminot me prévient gentiment que notre prochain arrêt se fera le long d'un train de pinard. Alors c'est là qu'on voit le vrai soldat, le seul qui avait une vrille dans son paquetage . C'est ainsi qu'il y a eu foule sous la grosse barrique de vin rouge .

J'ai fait descendre 6 allemands pour porter trois petits futs de 60 litres environ car nous étions partis pour 8 jours avec du pain, de l'eau et du vin rouge . (Les 6 allemands ont eu droit à un coup de pinard)

Voilà mon TOUR DE BRETAGNE terminé . J'en ai oublié c’est sûr , la reconnaissance de mon Pays n'a pas été au rendez-vous .

Si mes petits-enfants me posent des questions sur le volontariat, je ne leur répondrai pas car il y a eu de quoi en être écœuré .

Mais je reconnais que les questionnaires de demandes de toutes sortes , ne sont pas assez grands pour ce genre de récits .

Comme disait mon grand-père, ce n'est pas l'âne qui coupe le foin qui le mange.

Toute la famille était dans la résistance même la plus petite, c'est dans son landau sous ses langes que circulaient le peu d'armes et la machine à écrire sous le nez des allemands , des hommes de Vichy et des Breizh-Atao.

J'ai été démobilisé le 13 Octobre 1945.

Il en est certains qui imaginent que j'ai été dans l'armée 25 ans comme mon Père ou 15 ans comme mon Fils, à cause des médailles que j'ai l'honneur de porter. J'ai lutté contre l'envahisseur de 1939 au 10 Mai 1945. Les gouvernements m'ont compté: 1 an 4 mois et 13 jours.

Une chance que mon bataillon ait toujours été en premières lignes, c'est pour cela que j'ai la campagne double, jusqu'à la victoire.

Il n'y a pas eu d'armistice en 1945, il y a eu une capitulation du régime nazi. Je spécifie que notre Pays n'est pas un hexagone Mes amis sont morts pour la France et je parle pour eux aujourd'hui.

Ne touchez pas au 8 Mai (1945) S'il vous plaît!

A titre de renseignements, l'Hymne de notre Pays est la Marseillaise.

La Marseillaise des Résistants est le chant des partisans et pour mes amis Déportés le Chant Des Marais.

Nota : Quelques noms :

Capitaines

1er Compagnie Baraisota (espagnol).

2eme Compagnie Le Bris.

3eme Compagnie Le Trommêre alias (Alexandre).

4eme Compagnie Voisin alias (sabots de bois).

5eme Compagnie tous espagnols Diaz Andorre