Quelques données sur le développement du système concentrationnaire nazi au cours de l’année 1943.
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Quelques dates “repères”
Le 5 janvier :
Ouverture aux Pays-Bas du K.L. Herzogenbusch
Le 11 janvier :
Sauckel annonce que 700 000 ouvriers allemands devront être retirés des usines pour être incorporés dans la Werhmacht. En conséquence, l'industrie d’armement du Reich aura besoin de 800 000 travailleurs nouveaux.
Le 13 janvier :
Proclamation officielle de la Guerre Totale par Hitler. La Guerre Totale sera à nouveau officiellement proclamée en juillet 1944.
Le 31 janvier :
Alors que les troupes allemandes encerclées à Stalingrad ont été tronçonnées, Paulus capitule avec une partie de son armée.
Ouverture du camp de Lublin-Maidanek, plus tard K.L. Lublin aussi nommé K.L. Maidanek ou Majdanek, en Pologne
En France, Darnand est nommé secrétaire général de la Milice, sous l'autorité de Laval
Le 27 février :
Les juifs de Berlin employés dans des industries d'armement sont arrêtés et envoyés à Auschwitz.
A partir de mars, plusieurs ghettos de l’Est sont détruits : les survivants sont envoyés dans les Centres de mise à mort.
Le 12 mars :
Création de l'entreprise S.S. Ostindustrie chargée "d'aryaniser" les entreprises de la région de Lublin
Le 15 mars :
Ouverture du K.L. Riga
Avec l’entrée en guerre, le fonctionnement du système concentrationnaire connut plusieurs changements. Ainsi, dès le début du conflit, fut donnée à la Gestapo la possibilité exorbitante de procéder à l’exécution de qui lui semblait bon de supprimer.
Pour cela, la victime était acheminée dans l'enceinte d'un camp afin d'y être abattue ...A partir de 1941, dans les territoires des Sudètes, en Pologne et en U.R.S.S, commencèrent de vastes opérations génocidaires, essentiellement de juifs, mais aussi de responsables communistes, d’abord sous la forme des « opérations mobiles de tueries» selon l’expression de Raul Hilberg, tueries exécutées par les Einsatzgruppen, sur les arrières de la Wehrmacht et en collaboration avec elle, par fusillades, puis par camions à gaz .
Ce génocide se poursuivit à partir de janvier 1942, dans les centres de mise à mort spécialisés comme à Auschwitz, sous le contrôle du S.S Eichmann, qui a en charge la « solution finale ».
L’échec de la guerre éclair à l’Est, et notamment la défaite de la Wehrmacht devant Moscou en décembre 1941 aggravée par celle de Stalingrad en janvier 1943, les pertes subies par la Wehrmacht, l’ouverture d’un nouveau front en Afrique du Nord en novembre 1942, le développement des mouvements de résistance dans les pays occupés, l’hostilité grandissante des populations de ces pays face à la répression par la terreur, entraînèrent la généralisation des mesures de mobilisation élaborées au début de 1942, pour un développement de l’économie concentrationnaire.
En effet, dés le début 1942, le S.S Oswald Pohl avait obtenu d’Himmler la possibilité de structurer en un seul organisme, sous sa direction, les différents services de la S.S. contrôlant la gestion des camps, le W.V.H.A.soit l’Office principal S.S. d’économie et d’administration.
Il s’agissait de se donner les moyens d’atteindre les objectifs que Pohl définissait comme suit dans le mémoire qu’il adressait à Himmler le 30 avril 1942: « La guerre a manifestement modifié la structure des camps de concentration et notre tâche en ce qui concerne l'organisation de la détention. La garde des détenus pour les seules raisons de sûreté, de redressement ou de prévention n'est plus au premier plan. Le centre de gravité s'est désormais déplacé vers le côté économique.»
Le 19 avril :
Début de la révolte du ghetto de Varsovie qui sera écrasée le 11 juin 1943.
Le 15 mai :
Pohl décide d'attribuer des "primes" aux détenus en K.L. qui dépasseraient les normes de production. Peu après, Himmler décidera la création de Sonderbau(bordels) dans les K.L. pour « récompenser » les détenus qui participent à l'administration des K.L.
Au cours du mois de juillet :
Afin d'éviter qu'en vertu des accords avec le Comité International de la Croix Rouge, le camp de Bergen-Belsen soit susceptible d’être visité par la Croix Rouge, la S.S. transforme ce camp situé en Prusse, dans la province de Hanovre, en prétendu « camp de séjour » pour des juifs qui jouissent d'une protection ou qui peuvent être échangés.
Au cours du mois d’août :
L’effectif global des KL atteint 224.000 détenus dont 70.000 à Auschwitz .
56 hommes et 30 femmes sont conduits d'Auschwitz à Natzweiler pour y être gazés et enrichir de squelettes "judéo-bolchéviques" les collections d'anatomie de Hirt, professeur nazi de l'université de Strasbourg.
Le 2 août :
À Auschwitz, liquidation des détenus du "camp familial" des Tziganes.
Révolte des détenus du Sonderkommandode Treblinka : de 700 à 800 000 personnes ont été gazées dans les installations du centre de mise à mort.
Le 15 août :
Ouverture du K.L. Warschau près de Varsovie où les détenus furent plus particulièrement chargés de déblayer les ruines du ghetto.
Le 22 août :
Speer, après une entrevue avec Hitler, lance l'ordre d'aménager des usines souterraines pour y abriter la fabrication d'armement, notamment celle des V2. C'est Kammler, du groupe d'office C du W.V.H.A. qui sera chargé des opérations effectuées par des détenus des K.L.
Le 24 août :
Himmler remplace Frick et devient ministre de l'Intérieur.
Le passage du système concentrationnaire
dans la logique de la guerre totale
Le 18 septembre 1942, Himmler et le ministre nazi de la Justice Thierack concluaient un accord aux termes duquel les prisonniers seraient livrés aux S.S pour l’extermination par le travail « Vernichtung durch Arbeit ». Le 8 décembre 1942, Himmler ordonnait à Pohl d’augmenter le nombre de détenus dans les camps, et le 16 décembre il enjoignait à la Gestapo de livrer aux camps de concentration 35.000 détenus susceptibles de travailler d’ici fin janvier 1943
Pour ce faire, la Gestapo arrêtait , souvent sans motifs, les travailleurs étrangers présents en Allemagne, les Slaves surtout. De véritables rafles étaient opérées, et les déportations massives se développaient dans les pays occupés.
En France les polices allemandes Kripo et Gestapo et les services de sécurité de la S.S, le S.D (1), poursuivaient le programme de déportation des Juifs, prenant totalement le contrôle du camp de Drancy à partir de juillet 1943, et levant l’obstacle du critère de nationalité pour arrêter et déporter les juifs de nationalité française à partir de septembre 1943.
La Sipo- SD commençait aussi à organiser des transports massifs de « politiques » pour alimenter en main d'oeuvre les camps de concentration dans le cadre de l’Opération Meerschaum « Ecume de Mer».
Ce changement dans l’organisation de la répression contre les mouvements de résistance était également déterminé par le constat de l’échec de la politique dite des otages.
En effet, malgré les fusillades d'otages et le départ pour Auschwitz du convoi des «45000», composés majoritairement d'otages communistes au début de juillet 1942, ou celui parti de Compiègne le 24 janvier 1943, 1500 hommes vers Sachsenhausen, 230 femmes vers Auschwitz, le rythme des attentats perpétrés contre les intérêts allemands n’avait pas faibli. Si en septembre 1943, plusieurs exécutions de patriotes furent encore effectuées au Mont Valérien et à Souges ( 116 otages massacrés), une nouvelle fusillade de 114 otages envisagée pour le 15 octobre, était finalement suspendue.
En Bretagne, après les exécutions à la Maltière du 30 décembre 1942, l’année 1943 ne connaîtrait aucune exécution d’otages ni dans ce camp ni dans celui du Polygone près de Vannes. La mise en oeuvre de ce nouveau processus de déportation reposait sur la possibilité donnée aux polices allemandes Sipo et Gestapo et aux services de sécurité de la S.S le S.D , d’interner et de déporter des suspects en dehors de toute procédure judiciaire, mais en utilisant néanmoins la garantie du secret donné par le décret Nuit et Brouillard NN.
Le 9 septembre :
OuvertureenLituanie du K.L. Kauen qui prend la place d'un ghetto.
Le 15 septembre :
Ouverture du K.L. Vaivaraen Estonie
Le 30 septembre :
Compte rendu de Pohl à Himmler concernant l'abaissement de la mortalité en K.L. et l'amélioration (provisoire) des conditions de vie en K.L. : en décembre 1942, avant l'action destinée à préserver la capacité de travail, la mortalité mensuelle était de 10 %, en janvier 1943, de 8 %, taux moyen mensuel pour les six premiers mois de 1943, s’établissant à 5,72 %.
Le 14 octobre :
Révolte des détenus du Sonderkommando de Sobibor et destruction des installations de gazage et de crémation. 250 000 personnes y ont été massacrées.
Le 18 octobre :
Début de la déportation des juifs de Rome.
Le 26 octobre :
Note de Pohl aux commandants de K.L. : il faut ménager les détenus non par sensiblerie, mais parce qu'ils représentent une main-d'oeuvre indispensable.
Le 28 octobre :
Ouverture, d'abord sous la forme d'un Kommando extérieur dépendant du K.L. Buchenwald, des installations souterraines qui deviendront le K.L. Mittelbau, dit aussi K.L. Dora ou Mibau, Prusse, province de Saxe.
Le 3 novembre :
"Fête des moissons " (Erntefest) : action d'extermination des juifs de Lublin.
Le 10 décembre :
Speer visite le Kommando extérieur (K.L. Aussenlager) de Dora où, dans des conditions effroyables, sont fabriquées les fusées V2
Cette déportation dite de sécurité «Schutzhaft» débutait en France en Janvier 1943. Elle allait frapper une centaine de Morbihannais (voir liste ci-jointe) outre ceux qui étaient déportés vers les prisons du Reich ou vers le camp spécial d’Hinzert pour être jugés.
Toutefois, l’aspect économique et l’aspect extermination de la déportation restaient étroitement liés. Ainsi le 23 juin 1943, Himmler ordonnait que « tous les juifs encore disponibles dans les ghettos de l’Est [ fussent] rassemblés dans les camps de concentration »Lorsque les convois de juifs arrivaient dans les camps de mise à mort, les S.S procédaient à des sélections pour retenir les plus valides afin de les épuiser par le travail avant de les mettre à mort.
Une autre conséquence de cette nouvelle orientation “ économique” était la dispersion des effectifs des détenus pour les mettre à la disposition des firmes qui n'appartenaient pas à la S.S. et dont les établissements industriels essentiels devaient aussi être enterrés pour échapper aux bombardements aériens alliés .
D’où la “ création” de plus d'un millier de Kommandos, annexes des camps principaux, notamment près des galeries de mine existantes dont l'aménagement et l'approfondissement étaient dévolus aux détenus des camps de concentration.
( 1) La Sipo ou Sicherheitspolizei se divise en une police criminelle chargée des crimes des droits communs, Kripo, et une police politique Geheime Staatspolizei dite Gestapo, chargée notamment du suivi des internés politiques des camps de concentration.
Au sein du parti nazi , les S.S possédaient aussi un service de sécurité le S.D ou Sicherheitsdients, service de renseignements chargé de surveiller les « ennemis » du Reich. Tous ces services étaient réunis à partir de 1939 dans l’Office Principal de Sécurité du Reich le RSHA sous les ordres de Reinhard Heydrich. Seule la police du maintien de l’ordre dite Orpo restait en dehors du RSHA. Pour différencier cette police “ordinaire” des polices politiques on désigne aussi ces dernières sous le sigle Sipo-SD. Dans les pays occupés, ce furent tout d’abord les autorités militaires qui se chargèrent de la répression soit la Feldgendarmerie , la police secrète GFP, et le service de renseignements de l’Armée allemande, Abwehr.
D’après l’ouvrage de Maurice Voutey Les camps nazis : Des camps sauvages au système concentrationnaire 1933- 1945 Editions
Graphein FNDIRP 1999
et celui de Thomas Fontaine: Déportations et génocide, l’impossible oubli
Tallandier FNDIRP 2010
Page Last Updated: 05/01/2014