CONVOI PARTI DE SAINT LÔ LE 28 AVRIL 1941

Ils voulaient rejoindre l’Angleterre :
En février 1941, 15 jeunes hommes, bretons et parisiens, démobilisés, décidaient d’acheter un bateau pour se rendre en Angleterre et rejoindre les Forces Françaises Libres.

Un batelier de Saint Cast leur céda, pour 40.000 francs, une vieille barque, le Buhara.

Les jeunes gens quittaient Saint Cast dans la nuit du 12 au 13 février. Mais peu de temps après leur départ, la grande voile s’effondrait , ce qui les contraignait à utiliser le moteur. Puis, une voie d’eau se déclarait. Si bien que le matin , l’embarcation se trouvant encore à 50 km de Guernesey, fut interceptée par un patrouilleur allemand. Arrêtés les 15 jeunes gens sont ramenés à Jersey, internés à la prison de Cherbourg, puis à celle de Saint Lô.

Jugés le 20 mars 1941 par le Tribunal militaire allemand siégeant à Saint Lô, pour “tentative de rejoindre une nation en guerre contre l’Allemagne”, 2 d’entre eux, considérés comme les instigateurs et bailleurs de fonds, étaient condamnés à mort: Pierre Devouassoud et Magloire Dorange ( fusillés le 12 avril 1941 à l’Abbaye de Montebourg dans la Manche), 12 étaient condamnés aux travaux forcés à perpétuité, un seul, Maurice Queret, mineur pour être né le 23.11.1941 à Dinard (35), n’était condamné qu’à 7ans de travaux forcés.

Toutefois, tous les 13 étaient déportés vers Dusseldorf, puis transférés le 14 mai 1941 à la prison de Luttringhausen. Parmi eux se trouvaient, outre Maurice Queret, Emile Aubry, né le 26.11.1919 à St- Méloir ( 35), Pierre Blangy né le 17.09.1922 à Paramé( 35), Raymond Canvel, né le 29.10.1921 à Ergué- Armel ( 29), Emmanuel Chevalier, né le 30.12.1922 à St Briac (35), René Le Breton, né le 28.04.1917 à Dinard ( 35), Auguste Zalewski, né le 29.06.1921 à Quiberon ( 56).

Raymond Canvel et Auguste Zalewski décédaient à Luttringhause, le premier le 17.08.1944, il avait 22 ans, le second, le 19.09.1944, il avait 23 ans. Les 11 survivants étaient libérés par les Alliés en avril 1945.

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CONVOI PARTI DE PARIS gare de L’EST LES 7 ET 24 JUILLET 1941

Le convoi parti le 7 juillet, comprenait 20 hommes, dont 2 hommes originaires du Nord arrêtés dans la région d’ Hendaye alors qu’ils tentaient de passer en Espagne pour rejoindre la France Libre, et 4 membres du Groupe de résistance “ le Coq Gaulois”.

Ce groupe avait été crée par Albert Lebon, commissaire de police évadé d'un camp de prisonniers. Celui-ci avait repris son service, à Paris, et à partir du 8 août 1940, il s’employait à constituer un groupe de résistance au sein de la Préfecture de police dans lequel il parvenait à intégrer prés de deux cents policiers.

Grâce aux relations qu’il avait conservées dans le Morbihan, il recrutait également dès le 20 septembre 1940 Louis CROIZER, né le 21.10. 1921 à St Mathurin par Ploemeur( 56), ouvrier à l’arsenal de Lorient. Il donnait mission à ce dernier de rejoindre Londres par l'Espagne et d'y demander des instructions

Le 7 janvier 1941, Louis Croizer franchissait la ligne de démarcation, et parvenait jusqu’aux Pyrénées, mais n’y trouvait pas des passeurs dignes de confiance.

Suite à une trahison, Albert Lebon était arrêté, le 21 janvier 1941 à Paris.

Malgré cela, Louis Croizer décidait de tenter à nouveau le départ pour Londres. Croizer partait de Lorient le mardi 4 mars pour Saint-Jean-de-Luz avec un aviateur anglais, Max Gureaud, qui possédait des papiers de citoyen américain. Malheureusement, au cours du voyage, Louis Croizer se confiait à deux jeunes gens qui alléguaient vouloir également passer les Pyrénées. Ceux-ci le dénonçaient . Louis Croizier était arrêté par la police française à Saint de Luz le 5 mars 1941, puis remis le 20 mars aux Allemands.

Le 26 avril, il était jugé à la Feldkommandantur et “ condamné à mort à 16 h sur la déposition du commissaire Papy “. Max Gureaud, par contre, était libéré, les EtatsUnis étant alors un pays neutre.

Toutefois, la peine était commuée, le 17 mai, à 8 ans de travaux forcés en Allemagne. Louis Croizer était transféré de la prison de Karlsruhe à celle de Rheinbach, puis le 12 septembre 1941, à celle de Siegburgoùil était libéré le 10 avril 1945. Rapatrié le 18mai 1945,mais contaminé par le typhus,Louis revenait à Lorient. Il ne parvenait pas à recouvrer la santé, il décédait le 4 février 1947 : il avait 25 ans.

Les motifs d’arrestation des 14 autres hommes ne nous sont pas connus.

Parmi ceux-ci , se trouvaient :

Yves BERTOU né le 20.06.1912 à Landivisiau ( 29). Incarcérés dans la prison de Karlsruhe, capitale du Pays de Bade, il sont transférés à la prison de Rheinbach près de Bonn, prison où étaient incarcérés les condamnés à des peines de travaux forcés, puis à celle de Siegburg également proche de Bonn. Yves Bertou a enfin été transféré au camp disciplinaire de Dieburg Rodlau près de Francfort sur le Main, d’où il est libéré le 20.04. 1945.

Le convoi parti le 24 juillet, comprenait 8 hommes, dont trois originaires de Bretagne

Jean BLEVEC, né le 09.04.1922 à Lorient ( 56), Louis GUEGUEN né le 11.08.1922 à Henvic ( 29) et Georges LEPINARD, né le 29.09.1914 à Vannes ( 56). Incarcérés dans diverses prisons dont celles de Karlsruhe, de Rheinbach et de Siegburg. Georges Lépinard est libéré dès le 23.12.1943, Louis Gueguen, le 12.04.1945.

Georges Lépinard condamné à mort le 13 mars 1941 pour avoir frappé un feldgendarme, avait vu sa peine commuée en cinq ans de travaux forcés. Bénéficiant d’une remise de peine, il reprenait son action dans la résistance à son retour en France en 1944. Nous ignorons dans quel département et dans quel réseau.

Jean Blévec, ouvrier au port de pêche de Lorient avait saboté une ligne téléphonique à Lorient en août 1940. Arrêté par la gendarmerie française, il est remis aux autorités allemandes et condamné à mort le 1.11.1940. Selon Roger Le Roux, il serait revenu très affaibli de déportation.

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CONVOI PARTI DE PARIS gare de L’EST LE 4 AOÛT 1941

Ce convoi vers la prison de Karlsruhe, comprenait 14 hommes et 3 femmes, 2 personnes sont mortes en Allemagne, dont Albert TOUPIN, né le 28.03.1921 à Bourbriac (22), décédé le 25.03.1943 dans la prison de Siegburg: il avait 22 ans.

Lui et les autres costarmoricains faisaient-ils partie des hommes qui avaient été condamnés pour avoir tenté de prendre un bateau à Morlaix afin de rejoindre l’Angleterre ? Nous l’ignorons.

En tout cas parmi les condamnés originaires des Côtes du Nord se trouvaient Louis DERRIEN, né le 20.11.1923 à Bourbriac, Arthur HAMON, né le 28.04.1922 à Bourbriac , Raymond LE GUELLEC, né le 03.06.1923 à Gouarec et Ferdinand STEUNOU, né le 07.10.1921 à Bourbriac . Après avoir subi plusieurs transferts d’une prison allemande à une autre, ils seront tous libérés , Derrien en avril 1943, les autres en 1945.

Se trouvaient également dans ce convoi, un finistérien, Alphonse LE BIHAN, né le 30.07.1921 à Plourin, libéré le 10.04.1945, et deux morbihannais Raymond HARDY, né le 10.09.1913 à Truguel, libéré le 15.03.1942 et Louis ROUILLARD, né le 18.09.1921 à Pontivy, libéré le 15.03.1942.

Parmi les femmes, deux étaient originaires du Morbihan: Paulette CARO née le 25.01.1920 à Lanone, et Marie CHEREL, née le 29.04.1915 à Ploërmel. Elles avaient été arrêtées le 4 mai 1941, ainsi que Paulette COLLET, née le 29.07.1922 à Paris, Raymond Hardy, Louis Rouillard pour avoir diffusé des photographies du Général de Gaulle et condamnées à six mois de prison à effectuer en Allemagne, la peine infligée aux deux hommes s’élevant à 9 mois.

Les trois femmes, après avoir été incarcérées dans la prison de Karlsruhe, étaient transférées dans celle de Koln, ville où siégeait jusqu’en 1943, le tribunal chargé des affaires “N.N “ venant de France.

Paulette Caro était libérée le 06.12.1941, Marie Cherel, alias “Mimi”, le 30.11.1941. Cette dernière, de retour en France, aurait occupé un emploi à Dreux. Elle y aurait repris son action dans la résistance. Nous ignorons dans quelles circonstances et pour quel réseau. Elle était à nouveau arrêtée fin 1943 puis déportée le 31 janvier 1944 à Ravensbrück ( N° 27093). Libérée en mai 1945. elle apprenait à son retour que pendant sa déportation, son père Joseph Chérel , arrêté le 25.05.1944, était mort sous la torture dans la prison de Rennes, et que son jeune frère Louis avait été fusillé le 30 juin 1944 au camp de la Maltière, à Saint Jacques de la Lande Dans sa lettre d’adieu à sa famille, ce jeune résistant écrivait notamment “ Bientôt la libération sera rendue pour vous. Mère, c’est à toi que je m’adresse, je sais que le coup va être terrible pour toi, pense que moi je suis brave et que toi aussi tu dois être brave, tu sais que Mimi et Fernand vont revenir et qu’il faudra les consoler”.

( Fernand Chérel était prisonnier de guerre depuis juin 1940)

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LES CONVOIS vers les prisons du REICH partis en DECEMBRE 1941

Dans le cadre de l’Opération “ PORTO”

L’opération “Porto” désigne une série d’arrestations menées par l’Abwerh, service de contre- espionnage du Haut Commandement des Forces armées allemandes, arrestations effectuées entre juin 1941 et août 1942 particulièrement dans la zone Nord occupée, la plupart des arrestations étant toutefois opérées au cours du mois d’octobre 1941.

Cette opération s’inscrivait dans la politique répressive menée après le 22 juin 1941, jour de l’attaque contre l’Union soviétique.

Dans les pays occupés, étaient prises des mesures préventives contre les militants communistes mais aussi les juifs, au nom de la lutte contre le judéo-bolchevisme, lutte à laquelle s’associait le gouvernement de Vichy.

La répression visait aussi les groupes de résistants qui étaient en liaison avec Londres, et notamment les réseaux Hector et Saint-Jacques dans lesquels un agent double avait pu s’infiltrer.

Le réseau Hector a été créé par le colonel Groussard alias Gilbert qui s'était fait mettre en congé d'armistice par Vichy, et nommer inspecteur général de la Sûreté nationale. Au début de septembre 1940, se chargeant lui-même de la zone sud, il remettait des fonds à son ami le colonel Heurteaux afin de constituer un réseau en zone occupée.

Ce dernier recrutait le commandant René Grard, rentré en mai 1940 de Belgique où il dirigeait une tannerie à Zulte et devenu depuis peu directeur régional du « Centre des maisons d'accueil des anciens combattants ».

A Vannes, Grard était mis en relation en octobre, par son beau-frère Salomon Boisecq, avec le commandant Muller, qui à son tour, recrutait une dizaine d'hommes qui commençaient à recueillir des renseignements, permettant de communiquer les mouvements des troupes ennemies, leurs installations de l'ennemi, les mouvements des sous-marins, ces renseignements étant transmis par René Grard au S.R. « Air » de Vichy qui les communiquait à Londres.

Dès septembre 1941, les services secrets de l’armée allemande apprenaient par l’un de leurs agents infiltrés dans le réseau Hector que des membres envisageaient de commettre des attentats.

D’où la mise en place à partir du 9 octobre 1941 d’une opération coordonnée d’arrestations sur tout le territoire national ayant pour nom de code « Fall Porto ». 119 personnes étaient arrêtées. 42 étaient relâchées, aucune preuve n’ayant pu être réunies contre elles.

Dans cette même opération plusieurs membres du réseau Saint-Jacques créé par Maurice Duclos tombaient entre leurs mains.

Nous ignorons, pour la plupart des personnes dont les noms suivent, si elles appartenaient aux réseaux Hector et Saint Jacques.

Le 10 décembre 1941, les 102 premiers arrêtés de l’ opération « Porto » étaient déportés vers les prisons de Düsseldorf pour 45 d’entre eux, vers la prison d’ Essen, pour les 57 autres .

Le 15 décembre 1941, 89 prévenus étaient déportés à leur tour, 54 d’entre eux étaient incarcérés dans la prison de Wuppertal, les 35 autres dans celle de Hagen.

Le 19 décembre 1941, 36 prévenus étaient déportés dans les prisons de quatre villes différentes et éloignées des précédentes, 14 à Wiesbaden, 5 à Bad- Kreuznach, 14 à Augsburg et 3 à Regensburg.

Enfin, le 22 décembre 1941, 4 prévenus étaient déportés et incarcérés dans la prison de Nuremberg.

Sur les 212 hommes et les 19 femmes déportées vers les prisons du Reich au cours de ce mois de décembre 1941, 89 personnes bénéficieront de libération “anticipée” pour insuffisance de charges, notamment le 15 août 1942 et courant 1943, 33 personnes au moins ont été condamnées à mort et exécutées, à l’exception des femmes condamnées à mort déportées en KL.

Les autres condamnés étaient transférés vers les divers camps de concentration avec le statut NN. Dans ces différents convois se trouvaient au moins 16 personnes originaires de Bretagne Parmi ceux ayant bénéficié d’une libération anticipée se trouvaient

Jean BEAUFRERE, né le 25.12.1906 à Quimperlé (29) libéré le 16.12.1943, René DECKER, né 18.09.1889 à Vannes ( 56), libéré le 15.08.1942, Yves FLOCH, né 08.06.1899 à Rosnoen (29), libéré le 15.08.1942, Joseph LE BIANNIC, né 03.09.1899 à Tréguier(22), libéré le 15.08.1942, Paul LE FLEM, né 07.10.1908 à Pont Labbé (29), libéré le 15.08.1942, Guillaume LE GUERN, né 12.10.1912 à Pleumeur Gautier (22), libéré le 15.08.1942, Francis TROCHET, né 28.05.1904 à Mélesse (35), libéré le 15.08.1942,

Parmi les condamnés à mort, ont été exécutés à Munich le 21.09.1943 par décapitation aux heures suivantes selon le rapport d’exécution:

à 17 h 05 René GALLAIS, né le 16.03.1891 à Pleugeneuc (35): il avait 52 ans à 17 h 08, Raymond LOIZANCE, né le 16.10.1919 à St Hilaire (35): il avait 24 ans à 17 h 11, Marcel PITOIS, né le 12.03.1912 à ?: il avait 31 ans 17 h 14, Antoine PEREZ, né le 24.02.1911 à La Ferrière (35): il avait 32 ans à 17 h 16, Louis RICHER, né le 04.05.1923 à ,?: il avait 20 ans à 17 h 19, François LE BOSSE, né le 07.12.1901 à ?: il avait 42 ans à 17 h 21, Jules ROCHELLE, né le 24.05.1898 à Fougères (35): il avait 45 ans à 17 h 24, Jules FRÉMONT, né le 19.07.1891 à Broualan (35): il avait 52 ans

Selon les informations diffusées sur le site des Anciens Combattants d’Ille et Vilaine: memoire de guerre, dès la fin 1940, René Gallais, capitaine au long cours, gardien du château de Fougères où il demeurait avec sa femme Andrée, née le 08.09.1898, sa fille Huguette née le 07.11.1921 et son fils Gérald, organisait un groupe de patriotes avec des membres de sa famille et des amis tels Deschamps, la famille Huet, Raymond Loizance, Louis Richer, Antoine Perez, Le Bastard, Jules Frémont et François Le Bosse. Ces résistants aidaient des jeunes gens à passer en zone libre et en Angleterre, et faisaient parvenir à Londres, des renseignements sur les troupes allemandes et leurs déplacements.

En liaison avec l’Intelligence Service et le Bureau Central de Renseignements et d’Action à Londres, le groupe hébergeait aussi des agents et des parachutistes .

Compte tenu du développement du réseau, René Gallais et Jules Frémont étaient désignés pour diriger deux unités combattantes l’une sur Fougères, l’autre sur Saint-Brice en Coglés.

Mais des autonomistes bretons, agents de l’Abwehr s’étaient infiltrés dans le réseau et en dénonçaient les membres, dénonciation qui conduisait à l’arrestation, dans la nuit du 8 au 9 octobre 1941, de René Gallais, de sa femme Andrée, et de sa fille Huguette, et de plus de 50 membres du réseau, dont 14 restaient détenus à la prison d’Angers avant d’être transférés, pour les hommes à la prison de Fresnes, puis à celle d’Augsburg en Bavière, pour les 3 femmes Andrée et Huguette Gallais, et Louise PITOIS, née le 20.10.1904 à Fougères, à la prison de la Santé, puis à la prison de Kastell- Stadel. Après leur procés elles étaient transférées au camp de Ravensbrück, bloc 32 des NN, puis à Mauthausen

Andrée et Huguette GALLAIS revenaient de déportation, en revanche Louise PITOIS décédait à Bergen Belsen, le 10.05.1945, quelques jours avant son rapatriement, elle avait 41 ans.

Voici le récit donné par Huguette GALLAIS

-de l’interrogatoire subi dans les geôles de la Gestapo

"Nous avons été interrogés par la Gestapo en juin 1942. Ils m'ont frappée devant Frémont pour le faire parler, lui. C'était un père de famille de cinq enfants. Il habitait Saint-Brice, un bourg où j'avais accompagné un transport d'armes, et les Allemands voulaient en savoir davantage à ce sujet. Nous avions caché les fusils chez Armand Laize, mais celui-ci n'a pas été arrêté, pas plus que les autres membres de sa famille. Frémont et moi étions horriblement esquintés, cependant aucun de nous deux n'a parlé. J'ai été ramenée à la prison, je ne sais pas comment parce je me suis réveillée sur un bat-flanc, souffrant de partout. Celui qui m'avait interrogée était un nazi nommé Steinler.

Les interrogatoires terminés, maman et Mme Pitois étaient montées avec des droits communs allemandes. Comme maman était modéliste en haute couture, elle a été placée dans un atelier de couture au service des surveillantes, où elle cousait des punaises dans les ourlets des robes pour casser le moral des Allemandes qui emportaient cette vermine dans leurs maisons."

- du déroulement du procès, le 23 février 1943 dans la salle des Assises du Tribunal Régional, à Alten Einlass

"Lors du procès, nous avons enfin pu échanger quelques mots furtifs avec papa et les autres hommes, que nous n'avions pas vus depuis notre arrestation.

Nous n'étions plus que douze accusés. Joseph Brindeau ( né le 14.04.1919), tuberculeux, était décédé [ le 30.03.1942, il avait 23 ans] à la prison d’Augsburg et Théophile Jagu ( né le 14.02.1900 à Maure(64), un gendarme qui nous renseignait, avait été libéré et renvoyé à la brigade de Fougères, faute d'éléments contre lui.

Nous avions soutenu jusqu'au bout que nous ne le connaissions pas. Seulement, rentré en Bretagne, les autres familles de déportés ont cru qu'il nous avait dénoncés. Il a été bien soulagé de voir maman et moi revenir vivantes pour démentir.

Quel dommage que le procès n'ait pas été filmé ! Toutes les armes étaient là : Terre, Mer, Air. Ils nous avaient commis quatre avocats d'office.

Parmi eux, un antinazi, le docteur Reiseirt, qui, lui, a vraiment plaidé. Sa plaidoirie disait, en substance, que papa avait fait la guerre 14-18, tout comme lui, et peut-être s'étaient-ils trouvés face à face dans les tranchées mais chacun défendait son pays et faisait son devoir.

Nous fumes tous les douze condamnés à mort, mais les trois femmes furent envoyées en camp de concentration ainsi que Marcel Le Bastard, [né le 18.10.1922 à Gennevillliers 72) . Marcel était étudiant à Rennes, où il avait déjà été arrêté, et le dossier le présentait comme un hurluberlu, incapable d'appartenir à un réseau d'envergure. [ sa peine est commuée en travaux forcés, il est transféré à Sonnenburg puis à Sachsenhausen et enfin à Heinkel où selon les indications mentionnées dans le Livre Mémorial de la Déportation, il décèderait le 13.02.1945 NDLR.],

Le docteur Reiseirt a obtenu d'un gardien que les hommes restent ensemble jusqu'à leur exécution. Ils ont veillé, ils ont prié. Ils ont reçu la communion."

Parmi les condamnés aux travaux forcés, Louis FLOCH, né 27.12.1883 à Brest, est décédé le 13.02.1945 au KL Dora, après avoir été incarcéré dans les prisons de Wuppertal, et de Düsseldorf, puis transféré au KL Gross -Rosen : il avait 61 ans.

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