Intervention de M. Francis Hillmeyer

né en 1946, député U.D.I du Haut Rhin

Il y a dans la vie publique des moments de rencontre qui signent un constat partagé, un lien de civilisation et de culture indubitable, une aspiration unanime à des valeurs à la fois supérieures et présentes intimement en chacun de nous.....C’est la démonstration que viennent de faire nos collègues du Sénat, en adoptant cette proposition de loi à la quasi-unanimité, laquelle n’est pas sans évoquer cette réunion constitutive du Conseil national de la Résistance sous la présidence de Jean Moulin, le 27 mai 1943.C’est, j’espère, ce que notre assemblée fera à son tour. C’est mon vœu personnel, et celui de l’ensemble de mes collègues du groupe UDI.

[ Ce 27 mai 1943] parle du retour de la République, de cette grande fraternité républicaine qui avait alors un sens évident : c’était celui de la liberté. D’un coup, cette liberté, c’était aussi la puissance. D’un seul coup, la soumission n’était plus celle de la France, mais celle du peuple allemand, qui avait abdiqué toute volonté et toute réflexion personnelle, voire toute humanité, au destin collectif d’une nation. Cette République de la Résistance, c’était le combat pour la justice, l’honneur, la vérité et la liberté fondée sur la solidarité de tous.

Ce 27 mai 1943 parle, enfin, d’un pays renaissant et d’un pacte national rénové sur la base d’un programme national, qui permettra de profondes transformations économiques, sociales et politiques. Ces fondations appellent aujourd’hui, de notre part, le même travail en profondeur que celui de nos pères, après un cycle exceptionnel qui a longtemps traduit dans les faits, pour chacun de nos concitoyens, le triptyque républicain : liberté, égalité, fraternité.


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Intervention de M. Stéphane Saint-André

né en 1964, député radical du Pas de Calais

René Char écrivait : « Résistance n’est qu’espérance. » En juin 1940, quand l’Allemagne s’imposait en vainqueur, que notre pays ressentait l’humiliation de la défaite et allait connaître l’envahissement et le joug de l’occupation, l’espérance que la France retrouve sa liberté, sa dignité et son intégrité était portée par les résistants de la première heure.....

Cette première Résistance s’annonça décisive, car elle dressa les premiers obstacles à l’exploitation et à la résignation du peuple français. Le phénomène eut une importance particulière dans le Nord et le Pas-de-Calais, région qui souffrit beaucoup du sentiment d’abandon, d’une lourde présence allemande, des difficultés de la vie quotidienne et des bombardements.

En effet, lorsqu’en mai 1940 l’Allemagne lance son offensive à l’ouest, après avoir envahi la Hollande et la Belgique, ses troupes, dont la redoutable division Totenkopf, commettent de terribles exactions sur les populations, notamment celles de Courrières et d’Oignies, pour ne citer qu’elles. L’armistice signé, le Nord et le Pas-de-Calais sont déclarés « zone interdite », coupés du reste de la France et placés sous la tutelle directe de la Wehrmacht, car cette région industrialisée présente un intérêt économique important pour l’occupant, décidé à remettre rapidement l’appareil de production en marche. Très vite, les mines retrouvent leur activité et, afin d’en accroître les rendements au détriment des mineurs, les journées de travail sont allongées et les pauses supprimées, tandis que les salaires sont bloqués.

C’est alors qu’un acte collectif, précurseur de la Résistance – certainement l’un des plus importants, mais aussi des plus mal connus – va se dérouler : le 24 mai 1941 débute la grande grève patriotique des mineurs. En cinq jours, partie du puits Dahomey, à Montigny-en-Gohelle, elle devient générale dans le Nord et le Pas-de-Calais, avec plus de 100 000 mineurs cessant le travail, sur un total de 143 000. Ces gueules noires, motivées initialement par des revendications sociales, font de cette grève un mouvement de résistance de grande ampleur pour affaiblir l’occupant nazi et déstabiliser son économie de guerre, en parvenant à dissimuler 500 000 tonnes de charbon.Cette résistance ouvrière, perçue par la Wehrmacht comme un défi à son pouvoir, l’a amenée, par contrecoup, à exercer une répression féroce.

Ainsi, ce sont deux cent cinquante gueules noires qui constituèrent le premier convoi de déportés français vers le camp de Sachsenhausen. D’autres le payèrent de leur vie, comme Émilienne Mopty qui, ayant pris la tête des femmes de mineurs, fut décapitée à la hache à Cologne, en 1943. Par sa dimension patriotique, cette grève a permis aux mineurs de rejoindre le grand mouvement de la Résistance, avec ici les maquisards, là les membres des réseaux clandestins, et tous les autres anonymes......

Ainsi, ce 27 mai, le CNR se fixe pour objectifs de coordonner l’action de la Résistance sous l’égide du général de Gaulle pour que la France parle d’une seule voix sur la scène internationale, mais aussi de préparer l’avenir. Ce qui conduit ses membres à adopter, le 15 mars 1944, un programme novateur pour préparer, comme le mentionnait sa première édition, « les jours heureux ».......Les grandes réformes qui ont été accomplies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se sont inspirées de ce programme et nous en avons hérité aujourd’hui : un plan complet de sécurité sociale, le droit de vote des femmes, le droit au travail, les comités d’entreprise, les nationalisations, la modernisation de la presse, la garantie d’un niveau de salaire. Il nous appartient de les préserver, tout comme la défense des valeurs patriotiques, démocratiques et humanistes, la lutte contre le regain d’idéologies fascistes, et la défense de la paix.

Autant de valeurs de la Résistance, inscrites dans le préambule de la Constitution, qui restent des valeurs modèles pour notre société actuelle, des valeurs auxquelles nous devons nous référer et que nous devons transmettre.

Notre devoir de mémoire est aussi de reconnaître les services rendus par cette « armée des ombres», que Joseph Kessel a célébrée dans son livre : « Jamais la France n’a fait guerre plus haute et plus belle que celle des caves où s’impriment ses journaux libres, des terrains nocturnes et des criques secrètes où elle reçoit ses amis libres et d’où partent ses enfants libres, des cellules de tortures où malgré les tenailles, les épingles rougies au feu et les os broyés, des Français meurent en hommes libres. »

À l’instar de Jean Moulin, sont morts en « hommes libres » 20 000 résistants des Forces françaises de l’intérieur tués au combat, 30 000 autres fusillés, et plus de 60 000 déportés dans les camps. L’exemple du courage et du civisme de ces combattants de la liberté est un élément fondateur de la mémoire nationale. Leur sacrifice, librement consenti, permit à la France de siéger à la table des vainqueurs le 8 mai 1945, et à l’Europe de se construire. Il est donc impératif que le message qu’ils nous ont légué soit conservé et transmis, et qu’il reste vivant : il y va des valeurs républicaines.

En instaurant une journée nationale de la Résistance chaque 27 mai, cette proposition de loi permettra de leur rendre un hommage solennel et elle sera l’occasion, auprès des jeunes générations, dans chaque collège de France, d’organiser des actions, de réfléchir aux valeurs de la Résistance et à l’action du Conseil national de la Résistance. Car l’esprit de la Résistance c’est aussi la confiance en l’avenir : c’est un message d’espoir qui est légué à la jeunesse.

 


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Intervention de M. Jean-Jacques Candelier

né en 1945, député communiste du Nord

Les parlementaires communistes, au cours des législatures successives, ont toujours défendu cette mesure. Je vous renvoie à la proposition de loi déposée au Sénat le 28 octobre 2007 par Guy Fischer, ou encore à la proposition de loi déposée en octobre 2012 par les députés du Front de gauche, dont moi-même....La date du 27 mai, marquant le début du processus politique de libération du pays, fait l’unanimité. Elle symbolise non seulement l’unification de la Résistance, mais également la volonté de libérer la France par une participation active du peuple français, à travers les Forces françaises de l’intérieur. C’est le 27 mai 1943 que la Résistance, unifiée sous la houlette de Jean Moulin, a exprimé la volonté de trouver, dans sa diversité, le chemin d’une unité patriotique tendant vers un idéal commun.

Cette journée nationale sera dédiée aux valeurs de la Résistance et au souvenir des héros qui ont eu le courage de refuser la capitulation, la collaboration et l’occupation nazie – occupation qui fut particulièrement inhumaine, je le précise à l’attention de certains élus d’extrême droite. Ces résistants, qui faisaient surtout partie de la classe ouvrière, quand la majorité de la droite et du patronat avait fait le choix de la collaboration, ont redonné à la France son identité, bafouée par Vichy. Avec ce texte, nous disons aux jeunes générations qu’il ne faut jamais oublier celles et ceux qui ont fait, au péril de leur vie, le choix de la liberté et de l’honneur. Par leur engagement, ces femmes et ces hommes ont permis d’offrir un avenir à nous tous. Si chacune et chacun d’entre eux mérite, certes, un hommage pour ses qualités personnelles inestimables, c’est également la France du collectif que nous honorons.

L’action des résistants a traduit le principe selon lequel l’avenir des hommes appartient d’abord aux hommes eux-mêmes....Célébrer le 27 mai, c’est également célébrer la vivacité du programme du CNR..... qui constitue le socle de notre modèle social, que les libéraux et les réactionnaires s’acharnent encore aujourd’hui à démanteler.Nous gardons en mémoire les déclarations de Denis Kessler, numéro deux du MEDEF, affirmant qu’il fallait « défaire méthodiquement le programme du CNR ».

Une telle offensive avait suscité l’émoi de résistants [ Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Stéphane Hessel et dix autres de leurs compagnons d’armes] qui, le 8 mars 2004, avaient déjà appelé les jeunes générations « à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. [...] Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? », s’interrogeaient-ils.

Ils ajoutaient : « les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers, qui menace la paix et la démocratie»
Au nom de quel dogme devrait-on aujourd’hui sacrifier les principes qui ont guidé l’élaboration du programme « Les jours heureux » ? Au nom de la dette ? Au nom de la compétitivité ? Au nom de la mondialisation ? Au nom de l’Union européenne ? Au nom du grand patronat ? Au nom des technocrates de la Cour des comptes ou de la Commission européenne ?.....

Le CNR appelait à « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », et garantissant « le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ». Il prônait « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques » et appelait à « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Oui, il faut redresser la France, en s’inspirant largement d’un programme actualisé du CNR ... qui revendiquait, je le rappelle, le « rôle central du monde du travail » dans la reconstruction d’une France libre et fraternelle.

Établir la centralité du monde du travail dans tous les domaines de la vie sociale, voilà un beau projet d’émancipation sociale.


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Intervention de Mme Edith Gueugneau

née en 1953, députée apparentée socialiste de Saône et Loire

Le texte dont nous débattons aujourd’hui instaure le 27 mai comme journée nationale de la Résistance. Même si certains trouvent le calendrier mémoriel déjà bien chargé, cette journée ni fériée ni chômée, et s’adressant à la jeunesse, apparaît comme une réponse des plus opportunes aux demandes fortes des associations d’anciens résistants, mais surtout à notre devoir de mémoire. Malgré son rôle capital pour notre société actuelle, il n’existait jusqu’à présent pas de journée nationale pour saluer la Résistance......

Le 20 mars 1943, Jean Moulin atterrissait pour la dernière fois en France, depuis l’Angleterre, à Melay, petite commune de Saône-et-Loire située dans ma circonscription. Le 20 mars 2013, l’émotion était palpable et l’engagement de tous, des associations, des élus, des anciens résistants et des plus jeunes forçait le respect et illustrait bien la déférence due à ces combattantes et combattants du quotidien. Pour autant, instaurer cette journée nationale est un devoir, et le 27 mai une date forte de symboles [ car] ...... nous sommes héritiers du programme du Conseil national de la Résistance, adopté à l’unanimité en mars 1944.

Sécurité sociale, lois sur l’assurance vieillesse, sur les conventions collectives, sur le salaire minimum vital, fondent l’histoire et l’identité de notre République. Nous avons un devoir à l’égard de ces hommes et ces femmes qui ont su à la fois résister au présent et construire l’avenir.....

Rendre hommage aux valeurs, aux héros, aux anonymes, se souvenir, est aujourd’hui un de nos deux devoirs d’héritiers. Le second est de préserver la paix et le vivre-ensemble......

« Si les générations passées cachent leurs erreurs à leurs successeurs, elles condamnent ces jeunes à revivre les mêmes erreurs », disait Goethe. Ne condamnons pas notre jeunesse, notre avenir, à oublier, et peut-être à recommencer. Apprenons-lui les luttes qu’il a fallu mener. [ pour reconquérir et préserver] ... la liberté, la démocratie, la justice sociale, la solidarité, la tolérance.

 


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