Intervention de Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants.

Sur le caractère symbolique d’un texte qui nous invite à regarder notre passé mais aussi à préparer un avenir commun .

Ce passé, il est celui du 27 mai 1943, de la mémoire de la Résistance. Car le 27 mai 1943, à Paris, la première réunion du Conseil national de la Résistance fut un événement hors du commun. Ce jour-là, la Résistance française écrivait l’avenir de la nation.

Née d’un appel – celui du général de Gaulle – et d’une mobilisation de volontés, la Résistance, en 1943, n’était encore qu’un rassemblement de passions. Il fallait lui donner une cohésion, un véritable chef, reconnu par tous, et un programme. Le Conseil national de la Résistance remplit cette mission.

Face aux autorités de Vichy qui avaient adopté une politique de collaboration avec l’occupant, le CNR affirmait la légitimité nationale contre les nazis et leurs affidés.....
Le 27 mai 1943 se joua la transition démocratique de la fin de la guerre et la refondation pacifique de la République......

L’ œuvre des dix-sept membres du Conseil national de la Résistance, réunis ce jour-là autour de Jean Moulin, sous l’autorité du général de Gaulle, fut double.

Elle fut d’abord de porter au plus haut, au-dessus de toute autre considération, les valeurs de la République qui font encore aujourd’hui notre fierté. Leur action donna à la Résistance un nouvel élan et lui permit, malgré les risques, de frapper plus durement l’ennemi. Il n’était pas anodin, au milieu de la guerre et sous le joug féroce de l’ennemi, de rappeler dans le programme du CNR la nécessité d’assurer la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression, la liberté d’association, de réunion et de manifestation, le rétablissement du suffrage universel, le respect de la personne humaine ou encore l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.

La force du CNR fut aussi de développer une pensée visionnaire proposant un véritable programme politique de mise en œuvre de ces valeurs fondamentales : des réformes économiques, sociales et politiques donnant la priorité à l’accès à l’éducation pour tous et posant les bases d’un modèle social qui est aujourd’hui le nôtre, à tel point que le préambule de la Constitution de 1946, qui s’en inspire, fait partie aujourd’hui du bloc de constitutionnalité français ....: l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, prévoyant notamment la participation des travailleurs à la direction de l’économie ; le droit au travail et le droit au repos ; la reconstitution d’un syndicalisme indépendant ; la sécurité sociale – et bien d’autres choses.

Derrière toutes ces propositions, le triptyque « Liberté, égalité, fraternité » occupe une place centrale.
La liberté, le retour à cette liberté volée, arrachée à une France humiliée par la défaite de 1940. ...
L’égalité, principe fondamental de la République, est au cœur du combat de la Résistance et du programme du CNR. Elle porte en elle le refus des politiques racistes et antisémites qui s’abattent partout sur l’Europe occupée et en France également, avec le concours de l’État français, qui en vint même à devancer en ce domaine les désirs de l’occupant.

Souvenons-nous du sens de leur engagement, alors que s’élèvent autour de nous les tentations du repli et de l’exclusion.

La fraternité, enfin..... comme capacité à se réunir, comme l’ont fait les membres du CNR, qui représentaient toute la France républicaine. La fraternité comme entraide et solidarité, comme un serment d’amitié qui porte tant le projet politique de libération du territoire national que celui de reconstruction de la France d’après-guerre.

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Sur les raisons qui expliquent l’importance de ce texte

- cela fait presque trente-cinq ans que le Parlement examine des propositions de lois similaires à celle-ci. Quoi de plus normal pourtant que de rendre hommage à ceux qui, en France, ont traduit dans les faits, et souvent au prix de leur vie, la volonté libératrice du général de Gaulle .....L’année 2013 est celle d’un hommage national à la Résistance intérieure et extérieure. Les cérémonies, les expositions, les ouvrages dédiés, les événements spécifiques à cette thématique se sont multipliés au cours du semestre écoulé et se poursuivent encore. Quoi de plus normal, dès lors, que de prolonger cette démarche en la complétant d’un volet législatif ?

- assurer, pour l’avenir, qu’à mesure que disparaissent les témoins de cette entreprise glorieuse que fut la Résistance, notre jeunesse pourra continuer à jeter un regard lucide, mais aussi un regard de fierté, sur ce passé de notre pays. Permettre aux jeunes générations, le temps d’une journée dans leur année scolaire, de prendre le temps de s’interroger sur cette thématique, c’est investir dans l’avenir, c’est promouvoir une vision de la société conforme aux exigences républicaines.......Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France pourra, autour de ses enseignants, réfléchir sur ce qui fait qu’une nation reste forte et digne. Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France découvrira le nom de ceux qui ont tracé un chemin : le général de Gaulle, Jean Moulin, Missak Manouchian, Joseph Epstein, Berthie Albrecht, Danielle Casanova, Pierre Brossolette et bien d’autres encore, femmes et hommes inconnus.Le 27 mai, chaque année, la jeunesse de France découvrira les noms des territoires de la liberté: les Glières, le Vercors, Saint-Marcel, le mont Mouchet.

- un hommage à des valeurs qui méritent plus que jamais d’être rappelées : le courage, la défense de la République, le souci constant de la justice, de la solidarité, de la tolérance et du respect d’autrui.

.....[ En conclusion du débat]

Il y a quelques jours, le 21 juin, j’étais au fort de Montluc pour un hommage à Jean Moulin. Comme beaucoup d’entre vous, je pensais connaître une grande partie de son histoire. Or on découvre chaque jour ce que fut l’histoire de ces hommes, de cet homme en particulier. On nous fit part, à M. le Premier ministre et à moi-même, de l’anecdote suivante.

Après des heures et des jours de torture, Jean Moulin, torturé par Klaus Barbie, ne pouvait plus parler. Klaus Barbie lui posait toujours les mêmes questions et lui demandait de dénoncer les réseaux, les femmes et les hommes qui les composaient. Klaus Barbie lui tendit une feuille de papier pour y inscrire des noms, Jean Moulin la lui rendit avec la caricature de son bourreau.

Je ne sais pas à quoi on mesure la grandeur des hommes. À titre personnel, je ne crois pas qu’on la mesure au rôle que l’on s’attribue ou au rôle que l’on vous donne. La grandeur des hommes se mesure à l’aune de l’engagement personnel à des moments importants de la vie d’une nation. Quelle que soit notre appartenance partisane, nous nous posons tous la question : qu’aurions-nous fait si nous avions été dans cette situation ? La réponse est difficile, aux plans individuel et collectif. Au moins, pourrons-nous tomber d’accord, et le débat de ce soir le démontre, sur une chose : nous aurions aimé leur ressembler....

 

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Intervention de Mme Émilienne Poumirol

rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, née en 1950, députée socialiste de Haute Garonne .


Pourquoi instituer une journée nationale de la Résistance, alors que plusieurs rendez-vous du calendrier commémoratif sont aujourd’hui liés au souvenir de la Seconde Guerre mondiale ? Tout simplement parce que, aujourd’hui, aucun de ces rendez-vous ne permet d’en restituer tout le message.

Bien sûr, l’appel du 18 juin, par exemple, constitue un événement fondateur, mais il symbolise avant tout la naissance de la Résistance extérieure. Il constitue un appel aux forces combattantes à rallier l’Angleterre, mais non à préparer le retour d’un gouvernement légitime.....

Aussi, afin que l’hommage rendu à la Résistance ne soit pas soumis aux aléas des dates anniversaires ou des circonstances politiques, il importe de l’inscrire dans la loi comme un événement en soi : c’est ce que fait cette proposition dans son article 1er.

Pourquoi le 27 mai. ?....Pour la première fois, se sont réunis, sous la présidence de Jean Moulin, les représentants de toutes les tendances politiques, de deux syndicats ouvriers et des différents mouvements de résistance, Nord et Sud. Lors de cette réunion, seront adoptées à l’unanimité la répudiation de « la dictature de Vichy, ses hommes, ses symboles, ses prolongements » et la reconnaissance d’un gouvernement provisoire confié au général de Gaulle.....Selon les mots de Jean Moulin, le 27 mai constitue « la première réunion d’une assemblée représentative de la France depuis la trahison de l’Assemblée nationale, le 10 juillet 1940 »......Cette unification de la Résistance a évité à la France les déchirements, trop souvent observés, des lendemains de guerre, comme ce fut le cas en Grèce ou en Yougoslavie, où l’obstination de chaque vainqueur ne permit pas de reconstruire un projet pour tous.....

Cette réunion de la rue du Four préparait donc la suite.... le programme du Conseil national de la Résistance, adopté à l’unanimité le 15 mars 1944.....L’œuvre du CNR tient donc aussi très largement au programme d’action qu’il établit et aux grandes réformes de l’après-guerre qu’il imagine. Il n’est plus question, comme en 1918, de « retour à la normale » mais bien de l’instauration d’un « ordre social plus juste » : prééminence des droits humains, droit à l’emploi, liberté syndicale, sécurité sociale, égalité d’accès à l’enseignement et à la culture.Ces éléments sont aujourd’hui encore au sommet de notre ordonnancement juridique. Ils font partie du bloc de constitutionnalité, et chacun d’entre nous, législateurs, doit s’y conformer.

Cette proposition de loi veut rendre hommage à ces deux messages forts de la Résistance, l’union pour le salut et l’affirmation de la dimension fraternelle et égalitaire de notre République. C’est en ce sens qu’un très large accord existe pour fixer la journée nationale de la Résistance au 27 mai, comme le fait l’article 2. Je rappelle qu’aucune des personnes auditionnées n’a mis en doute la légitimité de cette date ou suggéré une date alternative......[Cette proposition de loi] ... ne prétend pas non plus graver dans le marbre la nature de l’hommage. Elle laisse au contraire une grande liberté dans l’organisation de cette journée ; il appartiendra au Gouvernement de définir chaque année la façon dont il conçoit cette journée. Les lieux de mémoire ne manquent pas.....

Mais plus que l’organisation d’une cérémonie nationale, cette proposition de loi vise, dans son article 3, à associer les établissements scolaires au souvenir de la Résistance.....C’est même, pourrait-on dire, l’aspect essentiel du texte. La Résistance est abordée à trois reprises dans les programmes scolaires, en troisième, en première et en terminale.


Il ne s’agit pas d’ajouter un nouveau chapitre à ces programmes, mais d’inviter les enseignants de ces classes à se servir de cette journée pour évoquer avec leurs élèves la Résistance et ses valeurs.....Il reviendra aux enseignants de choisir les initiatives qu’ils jugent les plus adaptées à cette transmission.


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Intervention de Mme Marianne Dubois

née en 1957, députée UMP du Loiret ,

....Il est des sujets qui méritent un consensus. La présente proposition de loi, visant à instituer une journée nationale de la Résistance, est de ceux-là. Adoptée au Sénat par 346 voix contre deux, elle concrétise des initiatives diverses et anciennes. Rappelons en particulier la proposition de loi de M. Philippe Séguin, en 1979. La commission de la défense a également adopté, sans aucune modification et à l’unanimité, les trois articles proposés......

Cette proposition de loi se veut pédagogique, comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure. Il nous faut en effet renforcer les liens entre les Français – en particulier les jeunes Français – et l’histoire. Associer les jeunes à cette journée est indispensable.....

il convient que les commémorations redeviennent attractives, qu’elles s’inscrivent dans une démarche pédagogique afin de rompre avec la loi du nombre et la désaffection qui s’y greffe parfois.

 


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